Nous reproduisons ci-après le communiqué du Sipperec relatif à l’annulation du Turpe 3 par le Conseil d’Etat.
La décision du Conseil d’Etat est à télécharger ici.
Le gouvernement a pris acte de cette décision, se posant en garant de la stabilité du cadre régulatoire pour l’utilisation des réseaux d’électricité (lire son communiqué). De son côté, EDF a estimé que la « décision du Conseil d’Etat ne port(ait) pas sur les tarifs réglementés de vente d’EDF et n’entraîn(ait) donc aucun remboursement de la part d’EDF envers ses clients. »
Mounir Meddeb, Avocat à la Cour (cabinet Energie-Legal), a livré à Energie2007 son analyse de la décision du Conseil d’Etat.
Christian Escallier, directeur général du cabinet Klopfer, a livré son analyse financière de la décision du Conseil d’Etat.
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« Communiqué de presse – 29 novembre 2012
Le Conseil d’Etat annule les tarifs d’utilisation des réseaux de distribution, payé par tous les usagers, pour la période 2009-2013, suite au recours formulé par le SIPPEREC.
Le SIPPEREC demandait la correction et l’allégement du TURPE au profit des consommateurs
Le 9 octobre 2009, le SIPPEREC a formulé devant le Conseil d’Etat une requête tendant à l’annulation de la décision du 5 juin 2009 prise conjointement par les Ministres chargés de l’Economie et de l’Energie, relative aux tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité (TURPE), proposés par la Commission de régulation de l’énergie le 26 février 2009.
Le recours portait sur une sur-rémunération des investissements d’ERDF. Le SIPPEREC demandait la correction et l’allégement du TURPE au profit de tous les usagers
(particuliers, entreprises, collectivités).
Le 28 novembre, le Conseil d’Etat a rendu sa décision et a annulé la troisième version du tarif d’utilisation des réseaux d’électricité, en application depuis le 1er août 2009, avec une prise d’effet au
1er juin 2013, le temps pour la Commission de régulation de l’énergie de revoir rétroactivement sa méthode de calcul et de consulter.
Le TURPE correspond à 33% du montant TTC de la facture acquittée par tous les usagers d’électricité et rémunère le transport et la distribution d’électricité. Il est donc payé par tous les usagers, qu’ils soient clients d’EDF aux tarifs réglementés ou en offre de marché. 11,4 milliards d’euros/an sont payés par les usagers dont 8,4 versés à ERDF pour la partie distribution.
La distribution d’électricité est un monopole d’ERDF (filiale à 100 % d’EDF) sur 95 % du territoire.
Motifs du recours du SIPPEREC
Deux motifs principaux étaient soulevés :
– le fait que le TURPE 3 ne défalque pas des investissements à rémunérer à ERDF les provisions pour renouvellement du réseau, déjà payées par tous les usagers précédemment ;
– la rémunération excessive des capitaux investis par ERDF, sans tenir compte du fait que ceux-ci incluent majoritairement des apports d’usagers ou de collectivités locales concédantes.
Le SIPPEREC demandait la correction et l’allégement du TURPE au profit des consommateurs et la transparence sur les coûts.
Ce que dit le Conseil d’Etat :
Revenir à la réalité des comptes d’ERDF pour établir le TURPE
Le conseil d’Etat dénonce le changement de méthode survenue au 1er janvier 2006, lors de l’établissement de la deuxième version du TURPE (TURPE 2). La CRE a abandonné la méthode antérieure, basée sur approche comptable et l’examen des comptes d’ERDF pour passer à une approche économique. La CRE, dès lors, a retenu une approche économique « normative », basée sur les exemples d’autres distributeurs d’électricité en Europe, ignorant la particularité du régime en France des concessions de réseau de distribution. Le Conseil d’Etat demande de revenir à la réalité des comptes d’ERDF pour établir les coûts de la distribution.
Prendre en compte les caractéristiques du système de distribution électrique français basé sur la concession de service public
Les collectivités locales et les usagers ont financé le réseau de distribution. Comme le relève la décision du Conseil d’Etat, les droits des collectivités sur le réseau s’élevait à 26,3 milliards d’euros fin 2008 auquel s’ajoute 10,6 milliards d’euros de provisions pour renouvellement. Il s’agit pour ERDF de ressources gratuites. Le Conseil d’Etat demande « de prendre en considération les comptes spécifiques des concessions ».
Catherine Peyge, Présidente du SIPPEREC prend acte de cette décision « qui oblige la CR,E en consultant tous les acteurs, à élaborer une nouvelle méthodologie de calcul rétroactive pour le TURPE 3 et prospective pour les suivants pour la partie concernant les réseaux de distribution ». Le nouveau calcul devra être, d’après l’avis du Conseil d’Etat, non discriminatoire, transparent et permettre la juste couverture des charges d’ERDF, en respectant les règles de l’équilibre tarifaire, comme le prévoit la loi du 10 février 2000.
Elle ajoute que « Les provisions pour renouvellement, déjà payées par les usagers, doivent servir à investir sur le réseau »
Elle indique que ce sujet « s’il est certes technique, a un impact significatif sur la facture. Le TURPE représente 33% de la facture TTC des usagers et est payé par tous ».
« Avec cette décision, les syndicats d’électricité, autorités concédantes, voient leurs droits reconnus et sont confortés comme garants de la défense des droits des usagers pour un service public de qualité, au juste prix.
Catherine Peyge appelle à un débat démocratique sur les vrais coûts de l’électricité, au moment où s’ouvre le débat sur la transition énergétique et où la précarité énergétique ce cesse d’augmenter. Elle demande un contrôle multi partenarial et social sur l’utilisation des ressources du TURPE.
EXPLICATIONS
1 Les usagers, au travers d’un apport de 2,2 Mds €/an, payent à ERDF des frais financiers qui dans une large mesure n’existent pas
Le premier motif portait sur la rémunération des capitaux investis. La CRE ayant retenu un coût moyen de rétribution du capital de 7,25%. Le rapporteur public dans ses conclusions a remis en cause ce taux.
Le Conseil d’Etat a retenu l’argumentation.
Depuis 2006, le Conseil d’Etat relève que le TURPE est calculé à partir de l’hypothèse qu’ERDF finance le réseau au moyen de fonds propres apportés par son actionnaire EDF (pour 40%) d’une part, et d’endettement d’autre part ( à hauteur de 60%).
Aussi, afin de payer les dividendes pour les fonds apportés par EDF et les intérêts induits par la dette, la
3° période du TURPE met à la charge de l’ensemble des usagers 2, 2 Mds €/an.
Or, comme le révèlent ses comptes, ERDF a financé le réseau au moyen de ressources très largement gratuites, apportées essentiellement :
– par les collectivités propriétaires du réseau, qui l’ont mis à disposition d’ERDF pour qu’il l’exploite. Ce réseau a été et est construit et financé en partie par les collectivités elles-mêmes. Le Conseil d’Etat indique que les biens des collectivités, autorités concédantes, se montent à 26,3 milliards d’euros au 31 décembre 2008 et correspondant aux droits des concédants qui doivent récupérer ces biens en fin de concession.
– et par les usagers via les provisions apportées dans leur facture d’électricité
Ces ressources mises à disposition d’ERDF, permettent à cette société de ne supporter aucune dette financière, comme l’attestent les comptes publiés par ERDF.
Ainsi, EDF, unique actionnaire d’ERDF, apporte 3,5 milliards d’euros de capitaux propres pour soutenir l’activité de sa filiale : il n’y a pas de raison de le dédommager au-delà de cet apport (soit environ 380 millions d’euros par an de rémunération).
De même, ERDF n’ayant aucune dette, il n’y a aucune raison d’en compenser les intérêts induits.
ERDF met même à disposition de sa maison mère 3,5Mds d’euros via des prêts à court terme.
Le recours du SIPPEREC pointait cette source de sur-rémunération et demandait l’allégement du TURPE à due concurrence, là encore au bénéfice des usagers.
Au titre du dédommagement de frais financiers qui dans une large mesure n’existent pas, le SIPPEREC évalue à près d’1.9 Md€ la somme à restituer à l’ensemble des usagers du réseau électrique pour chacune des 4 années de mise en œuvre de la 3° période du TURPE.
2/ Les usagers payent deux fois les investissements pour renouveler le réseau
Le TURPE est construit de façon à ce que tous les usagers du réseau, particuliers, professionnels et entreprises, apportent, par avance en payant leur facture, des provisions permettant de payer le renouvellement du réseau. Cette avance est encaissée par ERDF et identifiée dans la comptabilité sous la forme de « provisions pour renouvellement ». le Conseil d’Etat cite un montant non encore utilisé à ce jour de 10,6Mds d’euros, qui ont ainsi été apportés d’avance, au fil des ans, par l’ensemble des usagers.
Le Conseil d’Etat indique que depuis le 1er janvier 2006 (date de la mise en place de la deuxième version du TURPE – TURPE 2), la CRE a ignoré ces provisions. Le Conseil d’Etat censure la méthode retenue par la CRE consistant à ignorer les provisions payées par les usagers et non encore utilisées par ERDF.
Au titre de la non prise en compte de la part des investissements déjà réglée par les usagers, le Syndicat estime à 300M€/an la somme à restituer à l’ensemble des usagers du réseau électrique sur les 4 ans de mise en œuvre de la 3° période du TURPE. »
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