Mis à jour à 14h avec l’avis de la CRE (fin d’article).

Publié ce matin sur son site, l’avis de l’Autorité de la concurrence sur le projet de décret relatif à l’automatisation de la procédure d’attribution des tarifs sociaux du gaz et de l’électricité (décret publié hier) fait état de quelques faiblesses juridiques.

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– et ici pour lire le communiqué de presse.

Dans son analyse concurrentielle, l’Autorité souligne d’abord « qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre la mise en place de mécanismes sociaux visant à protéger les consommateurs vulnérables d’une part, et l’application du droit de la concurrence d’autre part », ce qui rend « légitime » l’intervention des pouvoirs publics.

Elle pointe cependant la spécificité du tarif de première nécessité lequel n’est proposé que par EDF (ou l’entreprise locale de distribution publique concernée, sur sa zone de desserte): les consommateurs vulnérables ne peuvent pas ici « bénéficier de la concurrence, contrairement aux autres consommateurs ». Si l’automatisation du dispositif ne pose pas en soi de difficultés, en revanche, cette particularité conduit tout consommateur ayant droit à « s’adresser à EDF ou bien à l’ELD concernée, selon leur zone d’habitation, pour la part de leur consommation excédant le volume servi au tarif social, qui est plafonné à 1.200 kWh par an. Ce volume de 1.200 kWh par an correspond au fonctionnement normal d’un frigidaire, de plaques de cuisson et de l’éclairage d’un foyer. Il est donc en pratique très vite dépassé en cas de chauffage électrique. »

Dans un communiqué publié en parallèle à son avis, « l’Autorité recommande que tous les fournisseurs puissent proposer le tarif social de l’électricité, ce qui nécessite une évolution législative ».

Faisant état « de vraies difficultés au regard de la concurrence », l’Autorité observe ironiquement « que certains fournisseurs alternatifs proposent des tarifs inférieurs à ceux d’EDF ou des ELD. Pour permettre aux consommateurs vulnérables de réduire leur facture globale d’électricité (tranche au tarif social + tranche au-delà du plafond), il serait donc nécessaire que tous les fournisseurs puissent proposer le tarif social. »

L’Autorité donne ici un exemple, celui d’un consommateur vulnérable alimenté par un fournisseur alternatif au TPN et aurait une consommation d’électricité de 3 000 kWh/an : « le fournisseur appliquerait le TPN sur les premiers 1 200 kWh de consommation (conformément au dispositif légal relatif au TPN) et pourrait, de plus, proposer une réduction par rapport aux tarifs réglementés de vente sur les 1 800 kWh restants ». Il s’ensuivrait une diminution du montant global de la facture d’électricité.

Outre que cela constitue une « distorsion de concurrence » sur le marché de l’électricité, l’Autorité estime que cela affecte aussi celui du gaz « car les offres associant la fourniture de l’électricité et du gaz (offres dite «duales») jouent un rôle important dans l’animation du marché. En effet, il convient de souligner que seul EDF (ou bien l’ELD électricité concernée, sur sa zone de desserte) est en mesure de proposer aux consommateurs vulnérables une offre duale «sociale», comportant à la fois le tarif social électricité et le tarif social gaz ».

Dans son avis, l’Autorité explique qu’il s’agit d’un marché significatif (2 millions de clients éligibles au tarif social de l’électricité sur 33 millions de consommateurs) « et que les fournisseurs alternatifs souhaitaient alimenter ces consommateurs vulnérables au même titre que les autres consommateurs français de manière notamment à acquérir une taille critique ». Sans oublier qu’il s’agit pour une part non négligeable de leur portefeuille de clients (10 à 15%, « selon le représentant des fournisseurs alternatifs entendu en séance »).

Enfin, le fait que les autres fournisseurs ne puissent pas proposer le tarif social constitue un élément susceptible d’être contraire au droit européen. L’Autorité souligne a contrario l’envoi d’un courrier par le fournisseur historique (EDF ou ELD) aux ayants droit non identifiés dans leur zone de desserte, les invitant à « quitter leur fournisseur actuel pour retourner chez le fournisseur historique. »

Il faut donc changer la loi, estime l’Autorité, pour aligner le dispositif du TPN (électricité) sur celui du TSS (gaz).

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La CRE publie à son tour son avis (favorable).

Elle soulève notamment la complexiité du dispositif, génératrice de surcoûts, et émet plusieurs réserves :
« Le 9ème alinéa de l’article 5 du projet de décret doit être modifié pour préciser qu’un ayant droit au TPN qui est client d’un fournisseur alternatif doit changer de fournisseur pour en bénéficier, et non résilier son contrat, comme le prévoit l’article L.121-87 du code de la consommation.
• La CRE recommande une modification de la procédure d’attribution du TSS, afin d’éviter que tous les fournisseurs ne disposent des informations nominatives concernant tous les ayants droit à la CMU-C, y compris ceux qui ne sont pas leur client.
• La définition des ayants droit au TSS doit être revue pour ne pas imposer qu’ils soient titulaires du contrat de fourniture d’électricité.
• La durée d’application des tarifs TPN et TSS ne peut dépasser la durée des droits à la CMU-C, fixée à un an. La prolongation automatique des tarifs de 6 mois après un an d’application ne peut être maintenue. La CRE préconise que les fournisseurs informent leurs clients deux mois avant la fin de leurs droits à la CMU-C que s’ils ne renouvellent pas ces droits, ils ne bénéficieront plus des tarifs spéciaux. »