C’est inédit et ça permet au Journal officiel de publier une lettre de la Ministre: Ségolène Royal refuse le TURPE proposé par la CRE, demandant une nouvelle délibération. Elle répond ainsi favorablement aux craintes formulées par Enedis, parfois relayées par les organisations syndicales (Turpe 5 ou la mort subite d’Enedis). 

Le ministère estime que le tarif proposé prend insuffisamment "en compte les enjeux liés à la transition énergétique." Il devrait mieux intégrer des dispositifs comme l’autoproduction, le stockage, les véhicules électriques et porter une "attention particulière à la maîtrise des pointes électriques." La CRE est invitée à favoriser l’investissement en tenant compte de "l’augmentation du risque de l’activité de distribution de l’électricité, liée au développement des énergies renouvelables et aux nouveaux modes d’utilisation des réseaux." S’agissant de la rémunération d’Enedis, la lettre préconise un projet de décision tarifaire " en conformité avec les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et en particulier son article 153 qui prévoit l’absence de prise en compte du régime juridique d’exploitation des réseaux d’électricité et de ses conséquences comptables dans le périmètre de calcul du coût du capital investi par les gestionnaires de réseaux."

Le projet de la CRE se traduisait par une hausse de 2% de la facture des ménages, à compter du 1er août prochain. Qu’en sera-t-il du prochain? 

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Le texte de la lettre publiée au JO ce 17 janvier 2017.

"Décision de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, prise en application de l’article L. 341-3 du code de l’énergie

Paris, le 12 janvier 2017.
Monsieur le Président,
Le réseau public de distribution d’électricité joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre de la transition énergétique et le développement de nos territoires. Tout en restant attentive aux enjeux de pouvoir d’achat des consommateurs, j’estime essentiel que les tarifs d’utilisation des réseaux publics puissent accompagner de façon appropriée la nécessaire mutation des réseaux afin de réussir la transition énergétique et d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Ils doivent permettre le développement des énergies renouvelables, de l’autoconsommation, des nouveaux usages de l’électricité, en particulier la mobilité électrique. Ils doivent faciliter le développement des territoires à énergie positive pour la croissance verte.
La Commission de régulation de l’énergie est en charge de fixer les méthodes utilisées pour établir les tarifs d’utilisation des réseaux publics de transport et de distribution d’électricité. Dans ce but, conformément à l’article L. 341-3 du code de l’énergie, je vous ai communiqué, par courriers du 22 février 2016 et du 24 juin 2016, mes orientations de politique énergétiques. Celles-ci s’inscrivent dans le prolongement de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte votée en 2015 et de l’accord de Paris adopté dans le cadre de la COP21.
Vous m’avez communiqué votre projet de décision relative aux tarifs des réseaux publics de distribution de l’électricité le 18 novembre 2016, sur laquelle le Conseil supérieur de l’énergie a exprimé un avis défavorable le 10 novembre 2016.
Il me paraît nécessaire que le cadre d’élaboration de ces tarifs prenne mieux en compte les enjeux liés à la transition énergétique exprimés dans mes orientations de politique énergétique. Je souhaite donc que vous puissiez poursuivre vos travaux sur ces tarifs en vue de me proposer un nouveau projet qui s’inscrive pleinement dans la transition énergétique, en cohérence avec les orientations que je vous ai adressées.
Dans mon courrier du 22 février 2016, j’attirais l’attention sur les nouveaux types de profils de courbe de charge, correspondant aux nouveaux usages du réseau qui accompagnent la transition énergétique (autoproduction, stockage, véhicules électriques…). Le projet de décision tarifaire propose de renvoyer le sujet au plus tôt en 2019, uniquement dans le cas de changements importants des modes d’utilisation des réseaux de distribution de l’électricité. Or, j’estime qu’il est nécessaire d’anticiper ces évolutions et leurs conséquences sur la structure tarifaire de ces réseaux afin de les intégrer de manière progressive et non brutale, à la fois pour les utilisateurs de ces réseaux et pour les fournisseurs d’énergie.
Je vous invitais également à une attention particulière à la maîtrise des pointes électriques. La situation actuelle du système électrique renforce encore cette demande. Le projet de décision tarifaire intègre partiellement cet enjeu, mais doit être renforcé. Il est, par exemple, nécessaire d’y intégrer des évolutions concernant la pointe mobile basse tension, au moins de manière expérimentale, sans attendre la période tarifaire suivante.
Par ailleurs, le cadre de régulation des gestionnaires du réseau public de distribution doit être favorable à l’investissement dans les réseaux, afin que ceux-ci puissent faire face aux enjeux liés à la transition énergétique et garantir la qualité de l’électricité. L’investissement dans les réseaux de distribution de l’électricité est un élément essentiel à la réussite de la transition énergétique, pour accompagner le développement des énergies renouvelables comme pour les nouveaux usages de l’électricité. L’augmentation du risque de l’activité de distribution de l’électricité, liée au développement des énergies renouvelables et aux nouveaux modes d’utilisation des réseaux, doit être prise en compte dans les tarifs d’utilisation du réseau public de distribution. Par exemple, le coefficient de prise en compte du risque de l’opérateur dans l’exploitation des actifs proposé dans le projet de décision tarifaire diffère de façon significative de celui d’autres activités régulées dans le domaine de l’énergie, présentant un niveau de risque comparable, en France et en Europe, et ne permet pas aux gestionnaires des réseaux publics de distribution de répondre pleinement aux enjeux de la transition énergétique.
Enfin, le projet de décision tarifaire doit être mis en conformité avec les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, et en particulier son article 153 qui prévoit l’absence de prise en compte du régime juridique d’exploitation des réseaux d’électricité et de ses conséquences comptables dans le périmètre de calcul du coût du capital investi par les gestionnaires de réseaux.
Aussi, en application de l’article L. 341-3 du code de l’énergie, je vous demande d’établir, sur la base de ces différentes observations, un nouveau projet de décision relative aux tarifs des réseaux publics de distribution de l’électricité, prenant en compte mes orientations de politique énergétique.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de mes salutations distinguées.

Ségolène Royal"