Nous avons demandé à Mounir Meddeb, avocat au Barreau de Paris, fondateur du cabinet Energie légal, son analyse de la décision de Ségolène Royal relative (au refus du) Turpe 5 proposé par la CRE.

> Cette décision s’inscrit dans un contexte particulier, un nouveau président de la CRE devant être désigné dans les prochains jours, afin de remplacer Philippe de Ladoucette, arrivé au terme de son second mandat. La presse évoque le nom de Jean-François Carenco, préfet de la région Ile-de-France.

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Energie207: Ségolène Royal a demandé à la CRE de revoir sa copie. C’est une première dans l’énergie. Est-ce que d’autres AAI ont déjà été confrontées à une telle décision ?
Mounir Meddeb (Energie légal): C’est une première sous cette forme dans le secteur de l’énergie. Cela est d’autant plus étonnant que des discussions ont eu nécessairement lieu entre les services. Par ailleurs, la ministre a transmis un courrier en date du 22 février 2016 reprenant un des motifs du rejet actuel.
Sur le fond, la décision est conforme aux dispositions de l’article L.341-3 du Code de l’énergie dans la mesure où elle est intervenue dans le délai de deux mois, qu’elle est motivée et que les motifs relèvent des orientations de la politique énergétique.
Cela étant dit, il y a lieu de s’interroger sur la conformité de l’article susvisé du Code de l’énergie avec les directives européennes qui confient au régulateur le soin de fixer la méthodologie tarifaire.
Cette décision pose in fine essentiellement la question de la mise en cohérence entre la compétence du régulateur en matière de méthodologie tarifaire et la compétence ministérielle pour fixer les orientations énergétiques.

Quel est désormais le délai pour la CRE ? Le nouveau projet de TURPE devra-t-il suivre exactement le même processus ou bien son élaboration pourrait-elle être allégée ?
Mounir Meddeb: Les textes ne prévoient pas de délais précis. Il ne me semble pas que la CRE va initier un nouveau processus. Toutefois, afin de prendre en compte les griefs soulevés par la ministre, la CRE ne pourrait pas raisonnablement adopter une délibération remaniée à la marge ou formellement. Dès lors, une revue plus approfondie de la proposition tarifaire nécessite un certain délai mais qui pourrait être compatible avec la date du 1er août.

La CRE peut-elle maintenir sa position ? Peut-elle répondre à la demande de la Ministre à la hausse comme à la baisse ?
Mounir Meddeb: En théorie, l’article L.341-3 du Code de l’énergie n’impose pas à la CRE de suivre les griefs de la ministre. Toutefois, l’article susvisé ne doit pas être lu comme imposant une simple obligation de transmettre numériquement une deuxième proposition pour que la ministre ne puisse plus à son tour s’opposer à la nouvelle proposition. La CRE ne peut donc pas ignorer ces griefs et se contenter d’apporter quelques amendements formels.

Le président de la CRE arrive en fin de mandat. L’élaboration du Turpe doit-elle attendre que son successeur soit nommé ?
Mounir Meddeb: Le mandat du président de la CRE s’achevant dans 3 semaines et dans la mesure où une nouvelle délibération ne pourra pas être raisonnablement adoptée dans ce délai, la décision appartiendra nécessairement au nouveau président du collège de la CRE.

Un peu de fiction : si aucun Turpe n’est adopté d’ici le 1er août, que se passerait-il ?
Mounir Meddeb: Je ne crois pas que la CRE et le ministère s’inscrivent dans cette perspective. On sait maintenant qu’il y aura beaucoup de travail dans les mois qui viennent.