Nous publions ci-après une tribune de Nicolas Goldberg, consultant senior chez Colombus consulting. L’auteur estime que la France doit se poser la question de la construction nouvelles centrales nucléaires (EPR ou non).

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« Prolongation et renouvellement du parc nucléaire : les spécificités du mix électrique en sursis ?

Alors que la fermeture de Fessenheim, la réduction de la part du nucléaire à 50% et la demande de prolongation d’exploitation des centrales nucléaires jusqu’à 50 ans occupent le devant de la scène énergétique, une question de fond reste à élucider : le nucléaire restera-t-il une énergie majeure en France ? Quelle sera sa place dans notre mix électrique futur ?

Si les prolongations d’exploitation du parc nucléaire jusqu’à 50 ans sont refusées, 90% de la puissance nucléaire installée aujourd’hui sera fermée d’ici 2035. Le prolongement de l’exploitation du parc nucléaire est alors un enjeu majeur pour la France qui, en cas de refus, devra investir massivement pour remplacer les puissances dont elle sera ainsi privée. Les coûts à répercuter sur les consommateurs seraient alors colossaux pour construire l’équivalent de 35 EPR ou de 20.000 éoliennes, sans oublier le démantèlement des installations qui auront été amorties sur 40 ans au lieu de 50.

La question est d’autant plus urgente que, même si les centrales sont exploitées jusqu’à 50 ans, la moitié de la puissance nucléaire actuelle sera tout de même fermée en 2035 en raison de son âge. Afin de préserver les spécificités de notre mix énergétique, faut-il alors remplacer les anciens réacteurs par de nouveaux, en plus de l’EPR de Flamanville, pour conserver un socle nucléaire de base dans notre électricité ? Le jeu pourrait en valoir la chandelle : profitant du retour d’expérience de Flamanville et de la normalisation des pièces, des économies d’échelles pourraient être réalisées sur les futurs réacteurs, faisant ainsi baisser le coût du kWh final pour le consommateur et permettant de démontrer l’expertise française à l’échelle mondiale. En parallèle, les énergies renouvelables auraient également leur rôle à jouer : l’éolien aura d’ici là atteint la «parité réseau», à savoir qu’un kWh d’éolien aura le même prix qu’un kWh d’une autre énergie injectée sur le réseau, et l’expertise des énergies marines aura pu émerger.

> Cliquez ici pour consulter le graphique de la capacite nucléaire installée en 2014 et 2035 (Colombus consulting).

Cependant, la croissance des énergies renouvelables et leur financement devront être contrôlés pour ne pas faire exploser les factures des consommateurs. En effet, les énergies renouvelables étant actuellement hors marché et financées par la CSPE, payée directement par les consommateurs, il sera nécessaire de réfléchir à une trajectoire d’intégration des énergies renouvelables au marché pour éviter le paradoxe allemand : les prix de marché ont beau baisser, les consommateurs payent de plus en plus cher en raison des obligations d’achat du renouvelable fixés à des prix plus élevés.

En conclusion, si les prolongations du parc nucléaire semblent essentielles, les questions de la construction nouvelles centrales, de l’avenir de l’atome dans notre mix électrique et du financement du renouvelable doivent être posées. A termes, un socle nucléaire reste indispensable pour préserver le pouvoir d’achat du consommateur, appuyé par des énergies renouvelables qu’il faudra accompagner de manière raisonnée avant leur maturité pour profiter des avantages liées à leur spécificité et à leur intégration sur des réseaux plus intelligents. »