Le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs articles de la Loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes. 

« Article 1er.- Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes :

– le titre Ier comprenant les articles 1er à 6 ;

– les deux derniers alinéas du paragraphe I de l’article 8 ;

– les deux derniers alinéas du paragraphe I de l’article 12.

Par voie de conséquence, au dernier alinéa du paragraphe III de l’article 12, la référence « aux articles L. 232-1, L. 232-2 et L. 232-3 du code de l’énergie » est remplacée par la référence « à l’article L. 232-1 du code de l’énergie ».

Article 2.- Le 1° du paragraphe I de l’article 14 et les articles 24, 26 et 29 de la même loi sont conformes à la Constitution. »

Sur Twitter, Delphine Batho vient d’exprimer sa déception , précisant ne pas renoncer « à une tarification vertueuse et responsable de l’énergie. »

Laquelle devrait être incluse « dans le projet de loi de programmation sur la transition énergétique (prévu en octobre », a-t-elle indiqué à l’AFP.

Elle a souligné dans un deuxième tweet que la censure du Conseil constitutionnel ne visait pas « le bonus-malus dans son principe mais (..) son périmètre d’application » et, dans un troisième, que « toutes les autres mesures (étaient) validées: tarifs sociaux pour 8 M de citoyens, trêve hivernale, effacement diffus, éolien. »

C’est ce dernier point qu’a salué Denis Baupin, député de Paris.

De son côté, Nathalie Kosciusko-Morizet a regretté « qu’une loi mal pensée affaiblisse l’action pourtant urgente vers la transition énergétique », tweet assorti du hashtag: #gâchis.

Lionel Tardy a ironisé, parlant du premier choc de simplification.

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Cliquez ici pour télécharger le texte de la saisine (Décision n° 2013−666 DC du 11 avril 2013).

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Le communiqué du Conseil constitutionnel

« Loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes

Par sa décision n° 2013-666 DC du 11 avril 2013, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l’eau et sur les éoliennes, dont il avait été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs.

Le Conseil constitutionnel était saisi de griefs à l’encontre de trois séries de dispositions relatives respectivement au « bonus-malus » énergétique, à la procédure d’effacement de consommations énergétiques et aux éoliennes. Il a fait droit aux premiers griefs et a censuré l’article 2 de la loi relatif au « bonus-malus » énergétique, ainsi que, par voie de conséquence, les autres dispositions de la loi qui en étaient inséparables. Il a rejeté les autres griefs et jugé le 1° du paragraphe I de l’article 14 de la loi, ainsi que les articles 24, 26 et 29 conformes à la Constitution.

* L’article 2 de la loi instituait un « bonus-malus sur les consommations énergétiques de réseau » afin « d’inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation d’énergie de réseau ». Ces énergies étaient seules prises en compte, en raison des coûts élevés d’investissement qu’elles nécessitent et de leurs modalités particulières de distribution.

Le Conseil constitutionnel a estimé que cette analyse des caractéristiques propres aux énergies de réseau avait pu permettre au législateur de ne pas étendre le « bonus-malus » à d’autres énergies, telles que le fioul, le charbon ou le bois. En revanche, elle conduisait à ce que soit contraire au principe d’égalité devant les charges publiques l’exclusion des consommations professionnelles d’énergies de réseau, cette exclusion étant sans rapport avec l’objectif de maîtrise des coûts de production et de distribution de ces énergies. En outre, cette exclusion des consommations professionnelles conduisait à ce que des locaux dotés des mêmes dispositifs de chauffage, soumis aux mêmes tarifs et, pour certains utilisant un dispositif de chauffage commun soient inclus ou exclus du seul fait qu’ils étaient ou non utilisés à des fins domestiques.

Par ailleurs le Conseil a relevé qu’étaient également contraires au principe d’égalité devant les charges publiques les dispositions relatives au « bonus malus » dans les immeubles collectifs d’habitation pourvus d’installations communes de chauffage. Ces dispositions n’assuraient pas que les conditions de répartition du « bonus-malus » soient en rapport avec l’objectif de responsabiliser chaque consommateur domestique au regard de sa consommation d’énergie de réseau.

Le Conseil constitutionnel a donc jugé que l’article 2 de la loi méconnaissait le principe d’égalité devant les charges publiques. Il a donc déclaré l’article 2 de la loi déférée et les dispositions inséparables de cet article contraires à la Constitution.

* L’article 14 de la loi est relatif à l’effacement de consommation d’électricité. Il encadre l’activité des opérateurs d’effacement, qui valorisent sur les marchés ou sur un mécanisme d’ajustement les quantités d’électricité non consommées par les sites effacés. Le Conseil constitutionnel a écarté les griefs dirigés contre le 1° du paragraphe I de cet article, la législation ayant suffisamment défini les règles de l’effacement et ne portant pas atteinte au droit de propriété des fournisseurs d’électricité des sites effacés.

* Les articles 24, 26 et 29 de la loi sont destinés à faciliter l’implantation d’éoliennes. Ils ont été insérés par amendement. Le Conseil constitutionnel a estimé que ces dispositions avaient un lien avec le projet de loi initial dans la mesure où elles participent du même objectif de transition vers un système énergétique sobre. Ces articles sont par ailleurs conformes à la Constitution et notamment à la Charte de l’environnement. « 

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La saisine initiale
Le texte du député de l’Isère, François Brottes, avait fait l’objet d’un recours déposé par 110 sénateurs UMP le 13 mars 2013. « Le système bonus-malus instauré par le texte méconnait la répartition des compétences fixées par la Constitution entre le pouvoir législatif et réglementaire, ne répond pas aux principes d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, constitue une rupture d’égalité devant les charges publiques et, enfin, porte atteinte aux libertés individuelles et au droit et respect de la vie privée », écrivaient-il.