Hier, le déploiement des premiers compteurs communicants gaz a commencé. Quels sont les objectifs et le calendrier de cette expérimentation? Entretien avec Isabelle Drochon, pilote opérationnel du projet AMR chez GRDF.

Energie2007: A son tour, GRDF s’apprête à déployer des compteurs communicants. Quels sont les objectifs pour le gestionnaire des réseaux de distribution de gaz naturel?
Isabelle Drochon: Il y en a trois: fiabilité, sécurité, durabilité. La fiabilité, ce sont des remontées d’index au moment souhaité et conformes à la réalité. La sécurité, c’est lutter contre la fraude mais aussi sécuriser les trames de données lors de leurs remontées vers les SI. La durabilité vise à ne pas accélérer la périodicité des changements de compteurs, qui s’opère environ tous les 20 ans. A ce titre, la durée de vie des batteries est déterminante: des fabricants nous indiquent pouvoir tenir 10, 12 ou 15 ans. Il nous faut des batteries garanties sur 20 ans.

Quelles fonctionnalités attendez-vous de ces nouveaux compteurs?
ID: Pour répondre aux exigences fixées par la CRE, notre système va permettre une remontée d’index par jour. Certaines technologies permettent même une remontée d’index par heure (qui n’est pas demandée par la CRE*, mais GRDF souhaite en étudier l’utilité). Nous ne ferons pas d’intervention à distance car, en France, les rétablissements de gaz doivent se faire en présence du client. Ce n’est d’ailleurs possible que si l’on dote les compteurs d’une électrovanne, laquelle pose des problèmes à la fois techniques (batteries) et financiers: elle augmente le coût d’un compteur de l’ordre de 50%. Or, la généralisation est aujourd’hui estimée à 1 milliard d’euros… Nous avons donc opté pour un système AMR** en réseau fixe. Pour les expérimentations, nous testons trois fréquences (169, 433 et 868 Mhz), avec un module radio installé sur les compteurs, parfois des répéteurs (environ un pour 10 à 50 compteurs) et des concentrateurs (pour 1.000 compteurs environ). Les données sont transmises par radio jusqu’au concentrateur où, après, elles transitent via le réseau GPRS.

La question des ondes radio peut-elle poser problème?
ID: C’est un des sujets que nous avons abordé avec les collectivités locales, qui y sont très sensibles. Il faut relativiser: un portable sur l’oreille, c’est une puissance de 2 watts. La radio sur le compteur, c’est environ 10 milliwatts une fois par jour… Mais c’est un sujet qu’on n’évacue pas.

Comment abordez-vous cette expérimentation?
ID: Nous sommes à un stade du projet où nous ne savons pas encore ce que nous allons faire. D’ailleurs, nous avons retenu quatre équipementiers développant des technologies différentes: Itron et Elster, avec lesquels on travaille depuis de nombreuses années, mais aussi Panasonic (qui n’a pas d’expérience de tels compteurs en France mais une grande expérience au Japon) et Ondeo Systems, une filiale de Suez environnement, qui n’a pas travaillé avec des compteurs gaz mais a une très bonne expérience dans le comptage de l’eau. Notre souhait est de développer la technologie la plus adaptée pour la France. GRDF entend donc se forger une conviction sur les avantages et inconvénients de chacune des solutions pour construire la solution GRDF. Nous ne nous interdisons pas de regarder ce qui se pratique ailleurs, à l’étranger notamment. Nous sommes vraiment dans une phase expérimentale (ndlr: à la différence d’ERDF qui, pour Linky, est dans une phase de pré-déploiement industriel).

D’un point de vue opérationnel, comment va se passer le déploiement?
ID: Le déploiement concerne Auch (avec Ondeo), Saint-Genis Laval et Pierre-Bénite (avec Panasonic), Etampes et une ville du Nord, qui n’a pas encore été choisie définitivement. Nous avons choisi des villes assez semblables, comprenant entre 20.000 et 25.000 habitants et environ 6.000 abonnés au gaz. Les prestataires doivent procéder à l’installation de 5.000 compteurs chacun, soit 20.000 compteurs au total, d’ici fin juin. S’il s’agit d’un compteur récent, ils poseront un module radio. Si le compteur a plus de dix ans, il devra être changé – ce qui suppose obligatoirement la présence du client. Les clients ont reçu une lettre d’information il y a quelques jours et un numéro vert dédié (0 800 510 105) a été mis en place.

Comment les fournisseurs apprécient-ils votre projet?
ID: Je crois que notre démarche est assez appréciée dans la mesure où l’on indique que l’on va humblement tester plusieurs éléments. Les fournisseurs estiment que notre projet est trop orienté sur les questions techniques et pas assez vers les clients. Dans un premier temps, nous privilégierons un dispositif qui sera robuste et intégré au système mais nous travaillerons ensuite avec les fournisseurs pour mettre au point des services potentiels. L’objectif assigné par la CRE est d’aider le client à maîtriser l’énergie par une meilleure connaissance de sa consommation.

Votre calendrier?
ID: Nous devons établir un bilan de l’expérimentation au début 2011. La décision d’une éventuelle généralisation devrait être prise par la CRE début 2011. La généralisation pourrait alors intervenir fin 2013, début 2014.

Voir aussi: Compteurs communicants gaz: on en sait un peu plus (31 mars 2010).

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* Cf. Délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 3 septembre 2009.
** Automated meter reading (AMR): ces compteurs identifient de manière détaillée, parfois en temps réel, la consommation énergétique d’un foyer, et la transmettent au distributeur. Les compteurs permettant des interventions à distance sont dits AMM (Advanced meter management). Ils peuvent donc s’intégrer à des réseaux dits « intelligents » (smart grids).