Extraits des débats du petit-déjeuner BIP-Enerpresse du 6 décembre 2016, consacré à la transformation numérique des opérateurs énergétiques, avec Julien Teddé (Opéra énergie), Carole Vial (Total) et Philippe Vié (Capgemini).

Transformation numérique
Philippe Vié : « Tous les opérateurs ont entamé leur transformation digitale avec des variations géographiques : en Amérique, ce sont les réseaux et actifs de production, en Europe, sous l’impact de l’ouverture à la concurrence, c’est plutôt l’expérience clients. L’expérience clients a permis de réduire significativement les coûts – jusqu’à 30%. Mais, il y a un an, nous avons constaté que la transformation digitale des opérations et des business models était devenue prioritaire.
A présent, crise économique et efficacité énergétique obligent, il s’agit de générer de nouveaux streams de revenus : nouveaux services, éviter ou maîtriser la désintermédiation… »


Start-up
Philippe Vié : « Il importe de bien laisser les start-ups innover à l’extérieur. L’enjeu est de trouver les idées et les solutions nouvelles pour mes clients ou mes solutions internes. On a droit à l’échec dans le digital. Il faut se donner les moyens d’aller dénicher ces innovations à San Francisco, Bengalore, Hong Kong, Tel Aviv… »

Carole Vial : « Le groupe Total a une longue pratique de la digitalisation et de l’innovation, explique la digital officer workpractice and strategy. Nous avons la volonté d’accélérer et de nous ouvrir à des écosystèmes externes. Nous avons lancé un challenge Incubateur 4.0 à destination de start-ups. Les gagnantes seront incubées chez un partenaire afin de réaliser des prototypes : diagnostic à distance via des lunettes connectées par exemple. Un challenge similaire a été lancé dans le continent africain. Si nous avons les compétences en interne, ce type d’initiatives nous permet d’enrichir notre expérience et d’aller plus vite pour mener des projets.
Nous avons élaboré un cadre contractuel adapté aux start-ups : on ne peut pas leur demander 5 ans de bilan avant de commencer à travailler avec elles ! »



Désintermédiation
Julien Teddé : « Courtier d’énergie est un nouveau métier en France et c’est un métier numérique. Il y a une digitalisation du business model actuel. Pour les utilities, il s’agit de commencer par faire signer des contrats en ligne ou facturer correctement (c’est une attente majeure des clients). »

Philippe Vié : « Quand des communautés se créent, avec des technologies de type blockchain, il y a une désintermédiation des opérateurs qui s’opère. »

Carole Vial (Total) : « Avec le site fioulmarket, nous vendons du fioul en ligne, avec la crainte de nous « désintermédier » nous-mêmes. En fait, nous avons entre 70 et 80% de nouveaux clients. »

Question de la salle : « pendant longtemps, avec un fournisseur unique, on a imposé au client une forme d’opacité des prix. Ne risque-t-on pas demain, avec la multi-désintermédiation, d’avoir un client qui soit de moins en moins informé, un analphabète énergétique ? »
Julien Teddé : « Il y a toujours chez le client un besoin de comprendre ce que l’on achète et de l’acheter à bon prix. »

Données
Julien Teddé : « L’accès aux données est un besoin-clef. Il y a quelques années, un rapport parlementaire évoquait un green button à la française. Une récente délibération de la CRE (ndlr : délibération du 16 novembre 2016, tarification des prestations réalisées à titre exclusif par les gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité) va en ce sens, demandant aux fournisseurs la mise à disposition de données. La donnée ne doit plus être un élément de blocage. »

Philippe Vié : « La CRE est consciente de l’existence d’un certain nombre de feins, à commencer par la protection de la vie privée. Il faut lever ces freins. Il n’y a pas de réticence chez les opérateurs historiques à délivrer les données. Ce n’est pas considéré comme un actif. »

(ndlr : lol)

Julien Teddé : « Les données sont un actif pour les opérateurs historiques. La fin des TRV en a montré la valeur et il n’était pas simple d’y accéder. Au Texas, où il y a une forte concurrence, 7 millions de compteurs communicants, beaucoup d’énergies renouvelables connectées, il y a un Green button où le client peut donner ses données à un tiers. En 18 mois, il y a eu 1.800 demandes. C’est peu. En fait, pour ce partage, il faut remplir un questionnaire en 10 points sur internet. C’est un blocage. Il faut des process simples. »

Philippe Vié : « Les nouveaux compteurs Linky et Gazpar vont installer la donnée au cœur des réflexions des opérateurs et des consommateurs. Ca installe la valorisation de la donnée au-delà de ce qui avait été imaginé. »