Citant les chiffres du dernier Observatoire des marchés, Jean-François Carenco, président de la CRE, estime que « l’ouverture à la concurrence est une réalité, voire une réussite sur le plan quantitatif. » Depuis 2016, avec la fin des TRV, « on assiste à une accélération de l’histoire. De l’ordre de 100.000 consommateurs par mois, c’est énorme », basculent vers les offres à prix de marché. « On compte aujourd’hui de nombreux fournisseurs, dont des grands groupes industriels, et voici maintenant que la grande distribution veut s’y mettre aussi. » Indiquant qu’il attend, « comme tout le monde, la décision du Conseil d’Etat sur les TRV du gaz. », il y voit le risque d’un « pataquès juridique. » Mais cette décision « donnera la direction à suivre » par le gouvernement. « Suivra -ou ne suivra pas- l’affaire de l’électricité, avec le quatrième paquet européen (Winter package). »

Distribution
Mise en garde du président de la CRE : « attention aux communautarismes énergétiques ! » quant à la préservation du modèle français. « Rappelons-nous que le grand malheur en France, c’est trois heures de coupure par an. Ailleurs, le bonheur, c’est d’avoir trois heures d’électricité par jour. » Il a remercié Enedis pour le déploiement des compteurs Linky, relativisant les risques pour la santé (« Ca n’émet pas plus d’ondes qu’un grille-pain ») et l’intrusion dans la vie privée (« Google le fait déjà très bien. »),

Débat
Fabien Choné, Direct énergie, ANODE
Laurent Ferrari, Enedis

Pouvoir d’achat…
Réussite, échec, réussite potentielle… ? Les propos de l’UFC varient d’une année à l’autre. « Depuis 2007, il y a eu des évolutions : davantage de fournisseurs, niveau du tarif réglementé, réversibilité… », observe Alain Bazot, président de l’UFC Que choisir. Lorsqu’il est devenu possible de faire jouer la concurrence, l’UFC a lancé des achats groupés. Les résultats, -23% en gaz, -17% dans l’électricité, « ont surpris tout le monde. » Des problèmes demeurent néanmoins : offres complexes, « CGV truffées de clauses abusives… » Il estime que le « marché n’est pas encore réellement ouvert. Beaucoup de consommateurs l’ignorent » et il y a un discours anxiogène qui « est savamment entretenu par les opérateurs historiques. », avec l’évocation de risques de coupure par exemple.

Pour Fabien Choné, président de l’ANODE, ces dix ans d’ouverture ont été « un très long combat mais, heureusement, on est en train de le gagner. » Dénonçant une « propagande anti-libéralisation », avec la non-réversibilité, l’absence de communication des pouvoirs publics, la mise en cause des « offres des alternatifs censées être non pérennes. » Il plaide pour la fin des tarifs réglementés. Nous avons fait un calcul à l’ANODE. Si tous les consommateurs actuellement aux TRV gaz prenaient l’offre de marché la plus intéressante, le gain en pouvoir d’achat serait de 500 millions d’euros par an. Et, dans l’électricité, il serait de 1,5 milliard d’euros par an. »

… et démarchages abusifs
Pour Fabrice Gourdellier, directeur du marché des clients particuliers à EDF, la première réussite de la concurrence est d’avoir stimulé « l’innovation. » En revanche, il déplore « des pratiques commerciales douteuses », à l’initiative des « prestataires de certains fournisseurs », qui se font parfois passer pour des « filiales d’EDF. » Le marché sera « une réussite si ces pratiques cessent. » Le rapport 2016 du MNE, souligne Olivier Schneid, journaliste, cite trois fournisseurs épinglés à ce propos : Direct énergie, Engie, ENI.

Augustin Honorat, directeur du marché des clients particuliers à Engie, « la vente à domicile devrait se généraliser. Si on attend derrière son téléphone, il ne se passe rien. » Réginald Thiebaut, directeur commercial d’ENI, « assume totalement la vente à domicile. Les cas signalés sont inacceptables mais ils représentent 1% de nos ventes. » Les prestataires « n’ont aucun intérêt » à de telles pratiques : ils perdent leur commission « jusqu’à trois mois après s’il y a une rétractation. » Fabien Choné souligne que Direct énergie a abandonné le démarchage à domicile, notamment « parce que c’est très coûteux. » Augustin Honorat rappelle que chaque fournisseur « a des règles strictes, qu’il impose à tous ses prestataires. » Emmanuel Soulias, directeur général d’Enercoop, souhaite que « la question des TRV soit abordée de manière beaucoup plus globale », en tenant compte de facteurs comme le « grand carénage » d’EDF. Il appelle à prendre en compte « le contexte actuel de prix de l’énergie particulièrement bas. S’ils remontent, il n’est pas certain que ce débat se tiendra de la même façon. »

Le cas des ELD
Interrogé par Olivier Schneid sur les territoires des ELD, où « la concurrence est exclue », comme en témoignent les rapports du MNE ou le renoncement de l’UFC à intégrer ces territoires de ces appels d’offres, Didier Rebischung, président de l’UNELEG, estime que « le marché est ouvert partout. » Ainsi, les cinq plus grandes ELD ont « perdu jusqu’à 50% de leurs parts de marché. » S’agissant de la gestion des flux, « les choses ont avancé, avec une perspective en 2018, parfois 2019, d’harmonisation des flux de relève. » En observant que les « clients sont souvent très attachés à leur ELD et rassurés par le rôle protecteur des TRV, ce qui peut expliquer une moindre pénétration de la concurrence. » pour Fabien Choné, cette harmonisation est nécessaire même si certaines ELD sont « parfois très petites. » et que les « méthodes de travail sont très différentes : autres contrats, reconstitution des flux… »

TRV et service public
Pour Denise Saint-Pé, vice-présidente de la FNCCR, la fourniture d’électricité « n’est pas un bien marchand comme les autres. Il importe que la puissance publique puisse exercer un contrôle, y compris des fournisseurs. Les TRV sont un bouclier pour les consommateurs. »  La FNCCR avait créé un label en 2008, qui était « un code de bonne conduite ». Mais, en 2015, avec la création des groupements d’achats d’énergie par les AODE, ce label a été abandonné, pour ne pas créer de possibles distorsions de concurrence.

Les « pouvoirs publics ne font rien pour qu’on ait envie de garder les TRV ! », s’étonne Alain Bazot, qui évoque les « différents rattrapages tarifaires » observés ces dernières années. Les « TRV sont pour nous un étalon et une protection, car on n’est pas à l’abri » d’une hausse des prix. Il déplore la « porosité entre Enedis et EDF, le distributeur dépose 3 milliards d’euros dans les comptes » de la maison-mère, ce qui « crée un avantage concurrentiel. »  

Le rôle des distributeurs
« Les dix années qui viennent seront porteuses de davantage de changements que les dix années écoulées », estime Laurent Ferrari, directeur clients et territoires, avec le numérique et la transition énergétique. Il y a « mi 2017, 52 fournisseurs d’électricité », mais aussi une « dynamique impressionnante, celle des acteurs de l’efficacité énergétique. » Enfin, il souligne qu’en changeant de nom, Enedis se différencie désormais d’EDF. ERDF Enedis, distributeur, EDF… : Fabien Choné : « persiste à penser que le consommateur n’y comprend pas grand chose. Je suis favorable à l’indépendance du distributeur, qui devrait être équivalente à celle du transporteur. » Il déplore le manque d’indépendance financière du distributeur, sa maison-mère créant des contraintes en matière d’endettement. » Laurent Ferrari observe qu’Enedis est « une filiale à 100%, avec un directoire qui garantit l’indépendance de gestion. S’agissant de l’indépendance financière, les investissements d’Enedis sont au plus haut historique, à 3 milliards d’euros, et auto-financés par Enedis. A l’exception de Linky pour lequel Enedis va s’endetter. »

«Il ne faut pas « oublier les distributeurs, estime Edouard Sauvage, directeur général de GRDF, pour qui l’indépendance n’est pas le premier sujet. « Etre indépendant pour avoir une qualité de service merdique, ça ne sert à rien ! L’enjeu est plutôt d’accompagner les « avancées technologiques » et de répondre aux besoins des fournisseurs. « A GRDF, nous développons des interfaces totalement transparents pour que les fournisseurs puissent dialoguer au mieux avec le distributeur. »