From smart metering towards a smart energy world: la conférence franco-allemande organisée par la Deutsche Energie-Agentur* (DENA) le 8 juin, à Berlin, a permis de confronter les deux modèles de « smart metering » (comptage intelligent) envisagé de chaque côté du Rhin. Le programme alternait en effet interventions venues de France et d’Allemagne. Extraits des débats.

> Des compteurs communicants étaient présentés par EON et EnBW en marge de la conférence. Nous en avons pris quelques photos (atention: fichier PDF de 1,1 Mo).

> La Dena met progressivement en ligne les diaporamas des différentes interventions. Vous pouvez les consulter ici.

Allemagne
Dans son introduction, Stephan Kohler, président de la Dena, a rappelé l’importance attachée par l’Allemagne à l’intégration de la production d’électricité d’origine renouvelable dans le réseau. Et le défi est de taille, a précisé Annegret-Cl. Agricola, responsable du département Systèmes et services énergétiques de l’Agence allemande de l’énergie: en 2030, il faudra intégrer 140 GW au réseau, dont 65 GW de photovoltaïque, 35,9 d’éolien terrestre, 23,8 d’éolien offshore et 8,5 issus de la biomasse…

Convaincre les consommateurs
Detlef Dauke, responsable du département Politique énergétique au ministère fédéral de l’Economie et de la technologie (BMWi), a indiqué que le smart metering devait répondre à des attentes simples du consommateur, qui recevrait sur son téléphone mobile un message lui indiquant qu’il n’a pas éteint sa plaque de cuisson ou sa machine à café: « ce n’est que si les consommateurs sont convaincus des avantages d’un tel système, s’il a un impact sur leur portefeuille, qu’ils seront prêts à faire du smart metering un succès ». Six modèles sont testés outre-Rhin, dans six régions: « Ce n’est pas forcément la première idée qui s’imposera, mais la meilleure idée », a-t-il souligné.
Pour Christian Buchel, membre du conseil d’administration d’EnBW Energie, le défi sera « d’apporter la preuve au client qu’en fin de journée, il n’a pas chez lui seulement un nouvel appareil sexy mais qu’il peut en tirer des avantages et des bénéfices ». Rappelant qu’à l’instar de l’Angleterre, le comptage est une activité concurrentielle en Allemagne (depuis 2005), il estime qu’il ne s’agit pas encore d’un marché mâture, mais se dit favorable à « des approches compétitives préférables à une approche régulée, comportant trop de standards et de normes. il ne faut pas tuer l’innovation! » Surtout, conclut-il, « le smart metering ne doit pas être un but en soi. Ce qui compte ce sont les produits et les services ». Il faudra, aussi, définir qui va payer la facture: « le client? Le citoyen? Les entreprises? » Même constat pour Christian Feisst, director business development de Cisco Deutschland;: « le client doit être convaincu. On ne peut pas le contraindre ».
Holger Krawinkel, directeur du département Construction, énergie et environnement de l’Association fédérale de protection des consommateurs (vzbv), a jeté un froid: « les smart meters ne sont absolument pas connus des consommateurs allemands ». Tout au plus ont-ils entendu parler des compteurs intelligents (en allemand dans le texte). Mais seuls 3 sur 4 sont prêts à les utiliser. Et 20% s’y opposent: « ils n’en voient pas la nécessité ». Se disant favorable à des messages d’alerte, il met en garde contre leur fréquence: « une information toutes les 4 ou 5 minutes, ça peut être inquiétant pour le consommateur ». Les smart meters doivent être utiles au consommateur: « il est important que les données soient affichées sur le compteur ou sur un ordinateur. Et, s’il y a différents tarifs, le compteur intelligent devrait permettre de choisir automatiquiement le plus favorable. Mais ce n’est peut-être pas dans l’intérêt des fournisseurs… »

France
S’agissant de la France, Pierre-Franck Chevet, directeur général de l’énergie et du climat (Meeddm), a souligné que les smart grids devaient jouer un rôle crucial dans la gestion de la consommation de pointe: « un degré de température en moins lorsqu’il fait froid, c’est 2.000 MW en plus, c’est l’équivalent de deux centrales nucléaires. Et, en cas de forte demande, nous mettons en marche des centrales thermiques qui émettent du CO2… » Pour mieux indiquer que la situation se complexifie: « la production nucléaire est stable, les énergies renouvelables sont intermittentes, la consommation, elle, n’est pas maîtrisée ». Des propos confirmés par Pierre Bornard, vice-président du directoire de RTE: « la production change de nature, elle devient non commandable (…). Il faut donc travailler sur la demande pour faire notre métier d’équilibre ». Et, comme la France est au carrefour de pays comme l’Espagne, l’Allemagne ou le Royaume-Uni où se développent les énergies renouvelables, « c’est difficile » car les énergies renouvelables sont intermittentes: « ce n’est ni un défaut ni une qualité, c’est juste une caractéristique. Il y a de l’avenir pour les ingénieurs dans ces métiers! ». En Allemagne, Christian Buchel (EnBW Energie) confirme que les énergies renouvelables « introduisent de la complexité ».

Agir sur la consommation
L’enjeu du smart metering est donc d’abord d’agir sur la consommation: « aurons-nous une facture qui grimpe de façon inexorable? » s’interroge Pierre-Franck Chevet. « C’est une question politique. Si le smart metering permet de faire baisser la facture, alors ce sujet doit être impérativement creusé ». Se disant peu favorable à une solution où il y aurait « plein de logiciels embarqués dans le compteur », Pierre-Franck Chevet estime que « la partie soft revient plutôt aux fournisseurs qui portent l’innovation ».
« Aller vers une énergie décarbonée, utiliser au mieux les ressources, optimiser la gestion du réseau de distribution, favoriser la mise en oeuvre de politiques énergétiques locales », tels sont les enjeux du smart metering pour Pierre-Yves Madignier, directeur général adjoint d’ERDF. Le comptage intelligent, notamment en intégrant la production diffuse (photovoltaïque) peut éviter des « investissements qui seraient au-delà du raisonnable », destinés à éviter des « problèmes de congestion ». Il a mis en avant l’intérêt également de telles solution pour aller vers des « réseaux auto-cicatrisants », le comptage intelligent permettant de détecter et réparer plus rapidement les incidents. Tout en se gardant d’un optimisme démesuré: « il n’est pas évident que l’optimum de chaque acteur se traduise par l’optimum du sustème global ».

Participant à ce colloque, la FNCCR a fait part des premiers enseignements retirés de l’expérimentation en cours en Indre-et-Loire, concernant le prototype de compteur Linky. 
 > Cliquez ici pour télécharger la présentation de la FNCCR (attention: fichier PDG de 2 Mo).
Elle a rappelé les nouvelles fonctionnalités offertes par le compteur Linky (notamment la gestion à distance du contrat, les factures l’index réel). Mais souligné que des questions demeuraient à ce jour sans réponse, qu’il s’agisse du coût de la généralisation, du calendrier retenu (un calendrier court qui ne vise qu’un seul modèle) ou encore de la non intégration d’une approche MDE (maîtrise de la demande d’électricité). 

Et aussi
Alain Glatigny, directeur plateau innovation énergie de Schneider Electric, a plaidé, non pas pour des smart grids mais des smarter grids, car les réseaux sont tous très différents, avec la possibilité « d’ouvrir des portes », à des fonctionnalités nouvelles: « dans nos fameux compteurs bleus, ce flux d’information n’existait pas ». Laurent Demortier, senior vice-president d’Alstom Power, a mis en avant les potentialités des « centrales électriques flexibles ».

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* La Dena est l’équivalent de l’Ademe en Allemagne. Son capital n’est cependant public qu’à hauteur de 50%, le reste étant répartio entre 4 banques: KfW Bankengruppe (à hauteur de 26%), Allianz, Deutsche Bank et DZ Bank (8% chaque).