La société Vitogaz (groupe Rubis) a déposé une assignation en référé au tribunal de Strasbourg, ce lundi 15 mars, contre l’entreprise Gaz Liberté, à qui elle reproche d’avoir effectué des livraisons « sauvages » de gaz propane.
De son côté, Gaz liberté se flatte d’avoir osé « s’affranchir des pratiques anti-concurrentielles imposées par le cartel (ndlr: des propaniers) sur le territoire français ». Gaz liberté, créée fin 2009, est une société détenue par Gunter Cottin, également PDG de Weco-Gas, un distributeur allemand de propane.

De quoi s’agit-il?
La fourniture de gaz propane en citernes concerne environ 900.000 familles et entreprises rurales en France, non raccordées au gaz de ville. Cinq fournisseurs sont présents sur ce marché: Butagaz, Totalgaz, Antargaz, Primagaz et Vitogaz.
Estimant payer trop cher leur gaz propane, il y a quelques mois quelques mois, une quarantaine de foyers de La Boissière-Ecole (département des Yvelines) ont décidé de se passer des services de leur propanier. Et se sont regroupés pour passer commande à… un fournisseur allemand, qui leur vend du propane en vrac à 800 euros hors taxes la tonne, lorsque le prix en France s’établit couramment au-dessus de 1.000 euros. Le propanier allemand se déplace pour un minimum de commandes de 20 tonnes.
S’étant baptisés, on admire l’acronyme, Groupement propane libre («GPL» – environ 100 adhérents), le collectif d’habitants estime réaliser des économies substantielles avec cette centrale d’achat inédite, de l’ordre de « 600 euros par an en moyenne et par foyer ». Selon les adhérents du « GPL », le propane allemand leur serait « actuellement vendu 920 euros hors taxes la tonne, soit le prix moyen constaté en Allemagne pour les particuliers ». Un prix qu’ils mettent en regard de ceux facturés par les « sociétés Totalgaz et Vitogaz, avec des prix moyens au dessus de 1350 euros hors taxes (février 2010) ».
Les membres du « GPL » précisent aussi avoir « réservé un accueil enthousiaste au propanier allemand, le premier à avoir osé défier les multinationales françaises dans leur pré carré depuis un demi-siècle ». C’était le 20 janvier dernier: pour « la première fois dans l’histoire du GPL en France, un gazier étranger livr(ait) des particuliers au-delà des zones frontalières ».

Problème: le gaz livré par Gaz liberté est stocké dans les citernes des propaniers français. Dans une lettre adressée à Denis Peyrat, fondateur du mouvement, Vitogaz le somme de prendre ses dispositions pour « procéder au rempompage » du gaz livré sous quinze jours. La société estime qu’il y a là une « violation manifeste du contrat » de fourniture et d’entretien signé avec son client. Ce refus se double d’une « assignation en référé au tribunal de Strasbourg (…) contre l’entreprise Gaz Liberté ». L’audience se tient la semaine prochaine, le 23 mars.

Par delà cette opération, le « GPL » revendique la « liberté de s’approvisionner auprès de n’importe quel distributeur , comme c’est le cas en Allemagne mais pas en France (où il n’y a que des contrats exclusifs) » ainsi que « l’égalité des prix entre les clients d’une même zone géographique ».
Et prépare l’avenir: il entend désormais « créer son propre stockage de GPL en région parisienne afin d’acquérir une totale autonomie par rapport aux multinationales ». Entendez: des « citernes libres de tout contrat d’exclusivité ». Pour cela, il cherche des chauffagistes et terrassiers pouvant intervenir « dans sa zone de distribution (Eure, Eure-et-Loir, Oise, Seine-et-Marne, Yvelines, Val-d’Oise).

En attendant, le « GPL » continue à recruter des adhérents. Denis Peyrat a même déposé une annonce sur leboncoin.fr: « Propane vrac à 920 € ht/tonne sur IDF ».

A savoir
Le 28 décembre dernier, Hervé Novelli a demandé à la DGCCRF d’examiner les contrats de fourniture de gaz de pétrole liquéfié. Le secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat, aux Petites et Moyennes entreprises, au Tourisme, aux Services et à la Consommation a fait savoir que ces contrats recelaient « de nombreuses clauses abusives ou illicites qui contribuent à rendre le client captif et à maintenir des prix élevés », des clauses qui « empêchent le client de changer de fournisseur et de faire jouer la concurrence entre les différentes formes d’énergie sur la durée du contrat, qui est parfois très longue ».

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Crédit photo: D. Peyrat.