En présentant les travaux de la commission des affaires économiques sur le projet de loi transition énergétique, les sénateurs Lenoir, Poniatowski et Husson (pour la commission des finances) ont indiqué leur souhait de parvenir à un accord en CMP avec les députés.
Nucléaire
En commençant par le sujet qui fâche: le nucléaire. Ladislas Poniatowski a en effet présenté un amendement qui maintient la réduction de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50%, mais en supprimant l’échéance de 2025. « Je pense sincèrement que je rends service au gouvernement », a-t-il indiqué, Jean-Claude Lenoir soulignant que tous les interlocuteurs rencontrés ont fait part de leurs doutes: « tous nos interlocuteurs nous ont dit qu’il était impossible de fermer autant de réacteurs en 10 ans. » Cet amendement, a souligné Ladislas Poniatowski, a fait l’objet d’un consensus assez large. Un autre amendement devrait susciter quelques discussions: la commission « a relevé le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 64,85 GW afin que la mise en service de l’EPR de Flamanville ne se traduise pas, dès 2017, par l’arrêt de deux réacteurs pour une puissance équivalente. » Le sénateur de l’Eure a mis en avant le coût de fermeture de la centrale de Fessenheim: 6 milliards d’euros. Réduire le nucléaire à 50% d’ici 2025 coûterait donc 120 milliards d’euros (20 réacteurs). A comparer aux 55 milliards que représenterait une prolongation de la durée de vie des centrales de 10 ans. Comparant le coût à payer par les contribuables à des dépenses d’investissements: « des travaux conduits par EDF dans tout le territoire français. » Ces propositions sont-elles acceptables par l’Assemblée? « En CMP, un accord est souhaité. C’est un sujet sur lequel nous avons longuement réfléchi. Notre texte doit être considéré come une plateforme de discussion. »
C’est pourquoi la commission a conservé deux autres chiffres « symboles », celui de l’objectif de rénovation de 500.000 logements par an à partir de 2017 (« c’est un chiffre très fort, très difficile à atteindre, mais j’ai envie d’y croire »), tout comme l’objectif de réduction de la consommation d’électricité de 50% d’ici 2050 (qui suppose de la « décroissance » et représente un « symbole négatif pour l’avenir du pays »). Conserver ces chiffres est « un message adressé aux députés », celui de la bonne volonté des sénateurs, Jean-Claude Lenoir parlant d’un texte « qui rassemble le plus grand nombre. » Tout en saluant les déclarations de Ségolène Royal sur les réacteurs nucléaires de 4ème génération: « un acte politique majeur. »
CSPE
La commission des affaires économiques a repris la proposition de Jean-François Husson, visant à recentrer la contribution au service public de l’électricité (CSPE) sur le seul soutien à la production d’électricité «verte». Le sénateur de Meurthe-et-Moselle a observé que la CSPE, qui « concerne tout le monde », représente plus de 6 milliards d’euros, davantage que l’ISF, qui « concerne peu de monde. »
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Le communiqué de la CAE
« Conforter et équilibrer : l’apport de la commission des affaires économiques à la transition énergétique
À l’issue de ses séances des 27 et 28 janvier 2015, la commission des affaires économiques, présidée par Jean Claude Lenoir (UMP – Orne) et sur la proposition de son rapporteur Ladislas Poniatowski (UMP – Eure), a adopté le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont les dispositions sur les transports ainsi que l’économie circulaire et la lutte contre les gaspillages avaient été déléguées au fond à la commission du développement durable.
Consciente de l’urgence à agir pour lutter contre le changement climatique, elle a souhaité, dans une approche constructive et malgré ses interrogations sur le financement des mesures proposées, conforter les principales dispositions du texte pour favoriser la rénovation thermique des bâtiments, soutenir les énergies renouvelables ou lutter contre la précarité énergétique, tout en préservant la compétitivité de notre économie.
Elle a également entendu défendre un modèle énergétique équilibré fondé sur un socle fort d’électricité nucléaire, garant d’un mix énergétique à la fois compétitif et décarboné.
En matière d’objectifs de la politique énergétique, elle a souhaité mettre en œuvre une diversification progressive et maîtrisée de notre mix électrique en profitant, de façon pragmatique, de la fin de vie des centrales nucléaires existantes pour viser, à terme, une réduction de la part du nucléaire à 50 % de la production d’électricité. En complément, elle a également relevé le plafonnement de la capacité de production nucléaire à 64,85 GW afin que la mise en service de l’EPR de Flamanville, ne se traduise pas, dès 2017, par l’arrêt de deux réacteurs pour une puissance équivalente.
Concernant les bâtiments, en réponse aux professionnels et aux associations de défense du patrimoine qui ont exprimé de vives inquiétudes sur la mise en place d’une dérogation automatique à certaines règles d’urbanisme pour permettre aux particuliers de réaliser une isolation par l’extérieur, la commission a choisi de redonner aux maires la possibilité d’accorder de telles dérogations. Elle a également souhaité ne pas imposer une technique particulière d’isolation lors d’un ravalement important de la façade.
Elle a par ailleurs conforté les dispositions relatives à l’information des particuliers en matière de travaux de rénovation énergétique (plateformes territoriales, mentions dans les contrats de prestation visant à améliorer la performance énergétique d’un bâtiment).
En matière d’énergies renouvelables, elle n’est pas revenue sur l’économie générale des mesures proposées dont elle approuve la philosophie, qu’il s’agisse de l’intégration progressive au marché via le complément de rémunération, du regroupement des concessions hydroélectriques par vallée et de la création des sociétés d’économie mixte hydroélectriques ou de l’élargissement des possibilités de financement des projets et des sociétés de production.
En matière de sûreté nucléaire, la commission a validé le dispositif de contrôle prévu par le texte tout en assouplissant la procédure d’arrêt définitif et de démantèlement prévue pour les installations les plus complexes.
Afin de rétablir la compétitivité de nos industries électro-intensives, elle a également décidé de porter la réduction des tarifs d’utilisation des réseaux en leur faveur au niveau de celui mis en œuvre en Allemagne.
En matière de gouvernance de la politique énergétique, elle a jugé que les outils proposés – stratégie bas-carbone et programmation pluriannuelle de l’énergie – étaient pertinents et a en particulier souhaité que la spécificité du secteur agricole soit reconnue, au travers notamment de l’exclusion du méthane entérique.
En réponse à la préoccupation exprimée, de longue date, par son rapporteur sur l’évolution préoccupante de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), la commission a décidé, sur la proposition de la commission des finances saisie pour avis, que le Parlement se prononcera, chaque année, sur son évolution et que cette contribution sera recentrée sur une finalité unique, le financement des énergies renouvelables, afin d’en améliorer la maîtrise et la lisibilité.
Enfin, en matière de lutte contre la précarité énergétique, elle a conforté les dispositions du projet de loi en rendant effective l’interdiction des rattrapages de consommation de gaz et d’électricité au-delà de quatorze mois et en étendant aux bénéficiaires du chèque énergie l’impossibilité, déjà prévue pour les consommateurs éligibles aux tarifs sociaux, de se voir imputer par les fournisseurs des frais liés à un rejet de paiement.
Le projet de loi sera examiné en séance publique à partir du mardi 10 février 2015.
Le vote solennel sur l’ensemble du texte interviendra le mardi 3 mars 2015. »