Xavier Pintat, sénateur de la Gironde, président de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR, éditrice de ce site) a publié une tribune dans le journal Le Monde, le 28 octobre. Nous reproduisons ce texte.
« Les collectivités doivent travailler ensemble sur la transition énergétique
Désormais promulguée, la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte du 17 août a attiré l’attention des médias sur la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Ce débat ne doit pas nous détourner des nombreuses autres avancées de ce texte, qui prolonge et amplifie les lois Grenelle I et II sur l’environnement, et montre que notre pays, par-delà les appartenances politiques, prend à bras-le-corps le développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique.
Pour l’essentiel, cette politique est désormais dans les mains des acteurs locaux. Associée aux différents textes de réforme territoriale, cette loi porte un réel souffle de décentralisation, qu’il s’agisse du développement des énergies renouvelables – où l’intervention des communes et de leurs groupements est facilitée –, de l’essor de politiques d’efficacité énergétique mêlant plates-formes intercommunales et animation régionale, ou encore de la coordination et de l’optimisation des réseaux d’électricité, de gaz et de chaleur dans nos territoires.
Certes, nombre de dispositions législatives attendent encore d’être précisées au travers de décrets d’application, et des questions subsistent. Notamment celles relatives aux données que les entreprises gestionnaires des réseaux électriques et gaziers (ERDF, GrDF…) devront transmettre aux collectivités, puisque celles-ci sont des Autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE). Ne sous-estimons pas l’importance et la valeur de ces données pour l’élaboration d’outils de prévision et de planification – qui incombent également aux collectivités pour une large part.
Aujourd’hui, certains acteurs s’interrogent publiquement sur la mise en œuvre effective de cette loi, estimant qu’elle ne serait pas dotée d’une enveloppe financière suffisante. Faut-il imaginer de nouvelles taxes ? Mais dans une période où le gouvernement lui-même reconnaît qu’il existe dans notre pays un « ras-le-bol fiscal », cette approche manque singulièrement de réalisme. Qui peut imaginer sérieusement alourdir encore la pression des impôts ?
Complémentarité et mutualisation
Il nous appartient de mettre en œuvre la transition énergétique en optimisant l’efficacité des outils et des moyens dont nous disposons. Aux côtés des régions, chefs de file de la transition énergétique, les AODE – qui prennent le plus souvent la forme de groupements de communes de très grande taille, syndicats mixtes départementaux et métropoles – sont sans doute les mieux armées pour mettre en œuvre cette loi dans les territoires, en mobilisant activement les économies d’échelle. Outre qu’elles ont la responsabilité des réseaux d’énergie, elles disposent de nombreuses compétences techniques dans des domaines-clés, qui intéressent directement les collectivités généralistes que sont les communes ou les intercommunalités.
Aujourd’hui, une AODE peut gérer, dans un territoire à la fois urbain et rural, des installations d’énergie renouvelable, des actions de rénovation énergétique, la mise en place d’un « smart grid » (réseau intelligent), l’achat groupé d’électricité et de gaz, le déploiement de réseaux de bornes pour véhicules électriques, le conseil en énergie partagé… De telles initiatives se multiplient et montrent l’intérêt pour les collectivités de disposer de groupements dotés de services spécialisés, capables de se mettre à leur écoute, pour mettre en œuvre, à moindre coût, une transition énergétique qu’elles ne pourront assumer seules, surtout lorsque leurs autres missions (éducation, social, urbanisme…) mobilisent une part croissante de leurs moyens.
Chacun mesure combien les ressources budgétaires sont désormais sous tension. Aussi, devons-nous raisonner en termes de complémentarité et de mutualisation. Dans nombre de domaines, les AODE sont déjà d’efficaces outils d’optimisation territoriale. Majoritairement regroupées par département, elles développent, de plus en plus, leurs actions à l’échelle régionale, voire au-delà, au bénéfice de toute la sphère publique.
De récents exemples le montrent : des groupements d’achats conduits par des AODE dans plusieurs régions ont réuni des centaines d’acheteurs publics, de la petite commune au lycée, en passant par les maisons de retraites et les services hospitaliers, avec d’importantes économies à la clé. Préfigurant le rapprochement Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, sept AODE de la nouvelle région viennent de lancer un vaste appel d’offres pour déployer un réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques dans sept départements, desservant l’urbain comme le rural. Le bénéfice est double : gains économiques, procédures simplifiées.
Les collectivités n’ont pas à se faire concurrence, d’autant plus que la transition énergétique est une affaire de réseaux, lesquels ignorent les frontières administratives. Plus que jamais, l’heure est à la coopération entre les différentes strates territoriales, surtout pas à l’incantation et au repli sur soi. La loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte offre aux acteurs de l’énergie une occasion unique de porter une vision durable et innovante des territoires, source de nouveaux et nombreux emplois. Il est temps de se mettre au travail. »