Etonnante courbe des bénéficiaires du TPN! La publication du document de référence 2012 d’EDF indique que le nombre de bénéficiaires à la fin de l’année passée était au plus haut:
« Fin 2012, 1.083.000 foyers (métropole, Corse et outre-mer) bénéficient du tarif de première nécessité (« TPN »). » Une « bonne » nouvelle (tout est relatif) au regard de la forte chute des bénéficiaires enregistrée au début de l’année 2010 qui avait conduit le gouvernement d’alors à automatiser le dispositif (loi Nome).
Mais ce « pic » n’est en fait guère éloigné du nombre de bénéficiaires enregistré fin 2009, toujours selon le document de référence d’EDF. Lequel indiquait alors: « à fin 2009, 940.000 foyers (métropole, Corse et DOM) bénéficient du tarif de première nécessité (TPN), soit 225 000 de plus qu’en début d’année. »
Regardons la courbe des bénéficiaires depuis les débuts du TPN: montée en puissance rapide, forte chute, forte reprise. Mais cette courbe est résolument indifférente à celle des bénéficiaires de la CMU-C (seuil de référence), qui est elle plutôt stable et oscille entre 4.220.538 (2009) et 4.482.471 (2012), ce dernier chiffre étant proche de celui de 2007 (4.473.266 bénéficiaires). Néanmoins, depuis mai 2010, la progression mensuelle est toujours « positive », signe que la précarité ne recule pas. Une récente enquête de l’UNCCAS avait pointé cette évolution.
L’attribution du TPN suppose d’être à la fois titulaire de l’abonnement et d’avoir des revenus correspondant au seuil de déclenchement de la CMU-C (pas forcément d’en être bénéficiaire). La CRE indique que le nombre de foyers bénéficiant de la CMU-C et titulaires d’un contrat d’électricité est de 1,7 million, mais les ayants-droits potentiels sont incertains, nombre d’entre eux n’effectuant pas les démarches nécessaires (délibération du 19 décembre 2012). Si l’on retient cette dernière estimation, environ 8 ans après la mise en oeuvre du TPN (créé par la loi de… février 2000), on obtient à peine -et au mieux- les deux tiers de l’objectif. Ceci malgré une loi automatisant le dispositif! Et l’on n’évoque que pour mémoire l’important taux de non-recours à la CMUc (environ 20 %).
Bénéficiaires du TPN
2005: 380 000*
2006: 450 000*
2007: 650.000*
2008: 715 000
2009: 940 000
2010: 615 000
2011: 625 000
2012: 1 083 000
Et le calcul est encore plus accablant si l’on se réfère aux dernières dispositions visant à élargir le champ des bénéficiaires, à ceux dont les revenus ouvrent droit à l’ACS (arrêté du 21 décembre 2012 portant modification de l’annexe au décret n° 2004-325 du 8 avril 2004 modifié relatif à la tarification spéciale de l’électricité comme produit de première nécessité). Avec ce texte entré en vigueur le 27 décembre et qui étend le bénéfice potentiel du TPN et du TSS à quelque 400.000 foyers** (des explications sur le site Service-public.fr), l’automatisation aurait pu se traduire par une augmentation conséquente du nombre de bénéficiaires du TPN. L’ensemble des bénéficiaires potentiels est évalué par la CRE à 2,3 millions de foyers. Au 31 décembre 2012, on en était loin.
Inutile d’accabler les acteurs: la question de l’attribution du TPN, que met en lumière le principe de l’automatisation, est problématique car liée à un niveau de ressources que seule l’administration fiscale connaît vraiment. C’est une des avancées de la loi Brottes et, lors des débats publics, Delphine Batho avait évoqué un décret en préparation pour résoudre cette difficulté***. En attendant, les promoteurs du chèque énergie marquent des points.
Cliquez ici pour consulter les courbes (évolution comparée du TPN et de la CMUC, puis CMUC+ACS).
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* Estimations. Source: EDF pour les années 2005 à 2008 (cf. notre actu du 23 avril 2008).
** Fin 2011, le total des bénéficiaires de l’attestation était de 708.074. Dans sa délibération du 19 décembre 2012, la CRE fait référence au chiffre de 550.000 foyers bénéficiaires de l’ACS pour 2013. Rappelons que le TPN doit bénéficier aux ayants droit de l’ACS, et non à ses seuls bénéficiaires. C’était également le cas avec la CMU-C, mais pour l’ACS, le taux de non-recours (c’est-à-dire le différentiel entre le nombre d’ayants droit et le nombre de bénéficiaires) est encore plus important: S’il est de 20% pour la CMUc, il atteint plus de 60% pour l’ACS. L’arrêté du 21 décembre 2012 n’a pas modifié ce problème puisqu’il est toujours fait référence au niveau des ressources (« Article 1 : «Le premier alinéa de l’annexe au décret du 8 avril 2004 susvisé est ainsi rédigé: «Le montant annuel des ressources du foyer, mentionné au premier alinéa de l’article 1er du présent décret, est celui ouvrant droit à la déduction prévue à l’article L. 863-2 du code de la sécurité sociale.» »).
*** « Extraits des débats à l’Assemblée nationale de la proposition de loi Brottes (première lecture 4 octobre) :
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 409.
M. François Brottes, rapporteur. Cet amendement, que je soutiens d’autant plus volontiers que j’en suis l’auteur, vise à fixer le seuil d’éligibilité aux tarifs sociaux à un niveau nous permettant de garantir que le chiffre de 4,2 millions de ménages bénéficiaires sera bien atteint.
Les calculs auxquels nous avons procédé, avec les moyens dont nous disposons – M. Tardy a justement rappelé qu’ils n’étaient sans doute pas aussi importants que ceux du Gouvernement –, m’amènent à vous proposer ce seuil de 516 euros de revenu fiscal de référence par unité de consommation.
Mme la ministre, disposant de moyens d’expertise plus importants que les nôtres, pourra certainement nous confirmer que nous atteindrons ce chiffre de 4,2 millions de ménages éligibles, et nous communiquer le résultat de sa réflexion détaillée concernant le revenu fiscal de référence.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Delphine Batho, ministre. Le Gouvernement partage pleinement cet objectif, qui concernera 8 millions de personnes bénéficiaires des tarifs sociaux.
Cette disposition est toutefois de nature réglementaire. Aussi, sur la base de la proposition de loi de M. François Brottes, sommes-nous en train de préparer un décret en ce sens, avec l’aide des services de la ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.
Nous prenons clairement l’engagement d’étendre au plus vite les tarifs sociaux au nombre de bénéficiaires figurant dans cet amendement, comme l’a d’ailleurs annoncé le Premier ministre lors de la conférence environnementale. Ce décret satisfera pleinement M. le rapporteur.
Je pense donc qu’il serait préférable de retirer votre amendement, mais uniquement pour des raisons tenant au respect des domaines législatif et réglementaire.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, retirez-vous l’amendement ?
M. François Brottes, rapporteur. Cette proposition de loi élabore l’ensemble du dispositif concernant les tarifs sociaux. Compte tenu de l’engagement de Mme la ministre et du fait que le décret est déjà prêt, je laisse donc au pouvoir réglementaire le soin de fixer les montants.
Ce qui m’importe, et vous nous en avez donné l’assurance madame la ministre, c’est que le périmètre du dispositif soit bien élargi à 4,2 millions de ménages. Je retire donc cet amendement. »