Nous publions ci-après la préface de Pierre-Franck Chevet, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) au Livre blanc de la Sûreté des installations nucléaires civiles manchoises, issu des travaux des commissions Locales d’Information (CLIs), ainsi que le « préambule » de Michel Laurent, président des 3 commissions locales
d’information de la Manche.

La synthèse est téléchargeable ici.

Le document complet sera mis en ligne ici.

Préface
« L’accident de Fukushima rappelle que, malgré les précautions prises, un accident nucléaire ne peut jamais être exclu. cette catastrophe pose des questions fondamentales, qui vont bien au-delà des caractéristiques particulières des réacteurs de Fukushima. Un processus de retour d’expérience a été engagé au lendemain de l’accident, pour réévaluer la sûreté des installations nucléaires au regard des premiers enseignements tirés et déterminer les améliorations requises. ce processus sera poursuivi en même temps que la compréhension de l’accident progressera : il pourra prendre jusqu’à dix ans.

Les actions menées en France visent, en premier lieu, à renforcer la démarche de sûreté. Peu après l’accident, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a mis en place, avec l’appui technique de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, un processus national d’évaluations complémentaires de la sûreté de toutes les installations nucléaires civiles, pour lequel les groupes permanents d’experts auprès de l’ASN ont été consultés. en résulte la définition d’un noyau dur d’équipements destiné à renforcer la robustesse de chaque installation vis-à-vis d’événements extrêmes, d’amplitudes supérieures à celles prises en compte lors de la conception, ainsi que la mise en place par EDF d’une force d’action rapide nucléaire (FARN).

La France contribue activement aux démarches coordonnées à l’échelle européenne, et a notamment participé en toute transparence aux revues croisées des tests de résistance et des plans d’action nationaux ; cet engagement se traduit aussi, plus largement, sur le plan international. beaucoup a été fait, beaucoup reste à faire.

Le travail mené à la suite de l’accident de Fukushima intègre pleinement les dimensions sociale, organisationnelle et humaine. Il doit être mené dans la plus grande transparence et vise une participation du public renforcée : il associe particulièrement le Haut comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, qui fait preuve d’initiative et a fourni de très utiles contributions,

ainsi que les commissions locales d’information (cLIs), qui ont eu l’occasion d’assister à des inspections ciblées de l’ASN et d’échanger dans ce cadre avec les exploitants concernés. Les cLIs du cotentin ont uni leurs efforts et se sont appuyées sur la diversité de leurs membres pour poursuivre un dialogue approfondi avec les acteurs de la sûreté nucléaire, et mettre en perspective, à la lumière de l’accident de Fukushima, la situation des sites dont elles assurent le suivi.

La publication de ce Livre blanc concrétise ces travaux et permet d’assurer leur diffusion auprès des populations. cette initiative des cLIs répond à l’une de leurs missions essentielles – l’information du public autour des installations nucléaires. Par ailleurs, à la lumière de l’accident de Fukushima, il convient d’envisager résolument les enjeux d’une gestion de crise nucléaire à l’échelle européenne.

Sur ce sujet aussi, l’ASN a la volonté, dans les années qui viennent, de faire progresser l’harmonisation et la mutualisation des moyens dédiés à la gestion d’une telle crise, en particulier entre Autorités de sûreté, en veillant à ce que soient tirées et prises en compte toutes les leçons de l’accident de Fukushima. cette démarche devra également faire l’objet d’une information à l’échelle européenne des populations vivant autour des installations nucléaires.

La démarche de sûreté nucléaire est indissociable de la transparence, qui doit rester un objectif à chaque étape du processus. Le maintien de l’investissement des cLIs y apporte une contribution essentielle, comme l’illustre parfaitement la démarche d’élaboration du Livre blanc.

Pierre-Franck Chevet« 

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Préambule

« Fukushima » – Je me souviens du premier panache de fumée apparu au-dessus de la centrale ; de la première dépêche, évoquant une explosion d’hydrogène sans gravité. Je me souviens aussi des jets d’eau dirigés vers les réacteurs en surchauffe et du patron de l’électricien Tepco, reconnaissant en pleurs que la situation était en train de lui échapper…

Mais, plus que ces images, c’est une sensation forte qui me revient lorsque je repense, au drame de Fukushima. celle de la sidération ressentie face à une catastrophe que beaucoup, dont moi-même, jugeaient impossible. Pendant des années, surtout après le traumatisme de Tchernobyl, j’étais convaincu que les leçons du passé avaient été tirées, et que ce qui avait pu se produire dans une Union soviétique vacillante n’était évidemment pas concevable dans nos sociétés modernes et dopées aux nouvelles technologies. Bref, dans mon esprit et dans l’esprit de beaucoup : tout était sous contrôle.

Mais, en submergeant la centrale de Fukushima Daiichi, le tsunami du 11 mars 2011 a balayé nos certitudes. Aux abords du site, les ingénieurs locaux avaient bien pensé à construire un mur pour protéger les installations d’une vague géante. Ils n’avaient simplement pas imaginé qu’une telle catastrophe puisse se produire. Ils n’avaient pas conceptualisé non plus les défaillances en chaîne qu’une telle déferlante allait provoquer.

cette catastrophe m’a définitivement convaincu, qu’en matière nucléaire, les attentes et la sensibilité de l’opinion publique allaient rapidement évoluer. Pour répondre à ces nouvelles attentes, nos commissions locales d’information doivent renforcer leurs travaux notamment en termes d’information des citoyens et restent à mes yeux l’outil adéquat pour que, dans le domaine du nucléaire civil, la transparence et l’exemplarité deviennent une exigence minimum.

En avril 2011, avec les membres des 3 commissions locales d’information de la Manche (Andra-Areva-Flamanville) réunis en assemblée générale extraordinaire, nous avons donc fait le choix de l’ambition en lançant une vaste démarche visant à faire un état des lieux complet et précis du niveau de sûreté perçu des installations nucléaires de la Manche.

Après avoir collecté et compilé une série de 184 questions, sollicité les citoyens de la Manche, nous nous sommes employés à obtenir des réponses les plus complètes possibles en auditionnant les exploitants, les services de l’Etat, la Défense nationale, les compagnies consulaires, les CHSCT, l’Autorité de Sûreté Nucléaire, l’IrSN… Je tiens d’ailleurs à tous les remercier de s’être prêtés à cet exercice unique en France et en Europe.

Le fruit de ces travaux nous a conduits à la réalisation d’un dossier technique complet intitulé Livre Blanc sur la sûreté des installations nucléaires civiles Manchoises qui est disponible en ligne sur les sites internet de nos 3 commissions. Nous avons également souhaité diffuser un document destiné au grand public et facilement abordable. c’est ce document, fruit d’un travail collectif intense, que vous avez entre vos mains aujourd’hui. Il vous appartient de vous l’approprier.

Sans polémiques, avec le souci de la transparence la plus totale, sachez que vous pouvez compter sur les membres de vos cLI et moi–même, pour rester mobilisés et assurer le rôle de « vigie citoyenne » sur les activités nucléaires du département. »

Michel Laurent