Nous reproduisons, ci-après, un communiqué du Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Électricité et les Réseaux de Communication (SIPPEREC) :
« Ce mercredi 15 juin, le Sipperec a organisé son colloque annuel sur le thème : « Une hausse des prix de l’électricité, pour quoi faire ? »
Retour sur des débats riches et animés
200 personnes ont participé à cette manifestation.
Pour contribuer au débat, le Sipperec a formulé plusieurs propositions dans un document intitulé « 2009-2011 : 2 ans après la modification de la structure tarifaire, que reste-t-il des tarifs réglementés de vente ? Quelle transparence pour permettre les choix ?»1 qui ont été rendues publiques lors du colloque.
La question de l’ouverture du marché, telle que prévue par la loi NOME, et le niveau de l’ARENH ont été au cœur des débats, suscitant des échanges animés. L’après Fukushima a également été évoqué par tous les participants.
Pour Jacques Kossowski, Vice-président du Sipperec et député-maire de Courbevoie, la France ne peut « pas faire l’impasse sur l’atome, 75% de notre électricité étant produite par cette industrie », « un débat discret s’est ouvert sur la part respective de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables. Depuis le Grenelle de l’environnement, nous avons clairement souhaité une montée en puissance de ces dernières. ». Sur la hausse prévisible des tarifs de 30% en 5 ans pour les particuliers il ajoute que « on peut craindre des conséquences très négatives non seulement pour le pouvoir d’achat de nos compatriotes mais aussi pour la compétitivité de nos entreprises, l’emploi et les finances des collectivités ». Il a réclamé la transparence des coûts pour permettre un débat sur « les services que nous voulons, à quel coût, avec quel bénéfice pour nos entreprises et nos concitoyens »
A propos de la modification de la structure tarifaire, en août 2009, il a indiqué qu’elle a eu pour conséquence de supprimer la répartition des charges et des ressources entre les options et versions tarifaires du tarif bleu. « N’est-ce-pas là une première remise en cause de la péréquation tarifaire, à laquelle nous sommes tant attachés ? » Il a également signalé qu’il était, depuis 2009, « devenu beaucoup moins intéressant de gérer ses consommations en fonction des heures de la journée, le prix du KWh heure creuse ayant plus augmenté que le prix du KWH heure plein ».
À propos de l’histoire des prix de l’électricité
Rappelant l’histoire du parc nucléaire (notamment le plan Messmer en 1974), Vincent Maillard , économiste , souligne que la hausse progressive des tarifs a d’abord reflété les investissements dans la production, avant qu’intervienne une baisse progressive des tarifs à partir de 1985. EDF considère alors que « le parc est en partie payé ». Le taux d’autofinancement d’EDF progresse alors. Puis, dans les années 1990, EDF estime possible de baisser les prix donc de rendre l’avantage compétitif du nucléaire aux clients. « A l’époque, EDF, « en bon père de famille », considérait que prolonger les tranches devait amener à une baisse des prix, ce qui n’est pas forcément le cas aujourd’hui ». Dans un document destiné aux investisseurs, Vincent Maillard indique qu’EDF précise qu’investir dans une tranche coûte 400 millions d’euros mais crée une valeur nette de 1,2 milliard.
Vincent Maillard pose les questions : « l’investissement doit-il être payé par les seuls consommateurs ? La valeur doit-elle aller au bénéfice des seuls actionnaires ?» Il rappelle enfin que l’Arehn à 42 euros génèrera « 7 milliards de cash soit 4 milliards après paiement de l’impôt sur les sociétés et de la dette. »
A propos de l’ARENH
Philippe de Ladoucette, président de la CRE (Commission de régulation de l’énergie) a estimé que l’Arenh pouvait être amené à évoluer : « il n’est pas incertain qu’il y ait un autre prix de l’Arenh en 2012, pour l’instant, je n’en sais rien. L’évolution de l’Arenh n’est pas linéaire, ni fixée pour les trois années à venir ». Il a rappelé que le premier prix de l’ARENH au 1er juillet était fixé, comme le préconise la Loi Nome, en cohérence avec le TARTAM et ne correspondait pas à une approche économique. L’approche économique conduit selon la CRE à un prix entre 36 et 39€/MWh. Sur l’évolution des tarifs, pointant les stress-tests sur les centrales nucléaires, la CSPE, les investissements dans la production et les réseaux, le président de la CRE a été direct : « je ne vois pas très bien comment on peut imaginer que ces prix n’augmentent pas ».
Selon les opérateurs, la hausse des prix est inéluctable
La hausse des prix est, de fait, partagée par tous les opérateurs. Pour Marc Benayoun, directeur économie, tarifs et prix d’EDF : « c’est lié au fait qu’EDF se « remet à investir dans tous ses métiers. Les prix sont voués à augmenter mais pas à cause de l’Arenh ». Il en est de même pour Michel Vanhaesbroucke, directeur B to B Provalys – GDF Suez qui met en avant « les futurs EPR, les futures éoliennes, futures centrales à gaz ou à charbon… ». Avant d’observer « qu’avec l’Arenh à 42 euros, on ne pourra pas concurrencer EDF sur les clients aux tarifs bleu, vert, jaune… » Pour Fabien Choné, directeur délégué Direct énergie, la concurrence ne jouera pas forcément sur les prix : « Pourquoi toujours parler que du prix ? Une voiture à 10000 euros est-elle toujours plus intéressante qu’une voiture à 15000 euros ? » Direct énergie entend « jouer sur le produit » et les services (pointe, horosaisonnalité) pour se différencier.
Jean-Louis Bal, président du SER, a souligné que les énergies renouvelables n’avaient qu’un impact récent et « « mineur dans la hausse de l’électricité ». Mieux : « en 2020 beaucoup de parcs éoliens sortiront de l’obligation achat et vendront au marché. Ils concourront à la stabilité des prix ». le photovoltaïque dans quelques années concourrera aussi à la stabilité des prix. Il a rappelé que les prévisions très pessimistes il y a quelques années sur le coût de l’éolien dans la CSPE s’étaient révélées fausses.
Quant à Etienne Andreux, Directeur Général du Sipperec, il a rappelé que « l’électricité la moins chère est celle qu’on ne consomme pas », invitant les collectivités à mener « des politiques de réhabilitation des logements ou de développement des énergies à l’échelle de leurs territoires ». Sur la MDE et la gestion de la pointe, il a déploré qu’il y ait « une sorte de consensus des opérateurs pour vider les concessions de tous les services qu’on peut apporter aux consommateurs ». Or, on ne peut pas laisser les consommateurs seuls face aux fournisseurs ».
Des consommateurs inquiets…
Face à l’unanimité des opérateurs, les consommateurs ont affiché leurs inquiétudes. Thierry Noblot, délégué général GFI, a déploré le manque de visibilité sur les prix, mettant en avant la compétitivité du nucléaire pour les industriels, notamment par rapport à l’Allemagne. Mais déplorant que le prix soit « une boite noire d’une opacité absolue voulue par certains au détriment des consommateurs ».
Pour Caroline Keller, chargée de mission énergie UFC Que choisir, la loi Nome « a été détournée de son objectif initial et cela se traduira mécaniquement par une hausse des tarifs ». Ce qui a été dit lors du colloque « confirme notre position : le vrai perdant ce sera le consommateur final. Les nouveaux entrants pourront être compétitifs par rapport à EDF » mais seulement via une hausse de la facture. Quant aux « nouveaux services, on les attend… », a-t-elle ajouté.
Catherine Dumas, Directrice Générale Adjointe du Sipperec, a pointé le risque d’un service public de la fourniture vidé de sa substance, réservé à ceux qui, « demain, ne pourront pas et n’auront pas les moyens » de payer leur facture et les services associés. Les services à valeur ajoutée concernant la MDE par exemple n’étant proposé que dans les offres marché par EDF et les alternatifs.
Elle a aussi alerté sur la dyssimétrie entre les consommateurs et les fournisseurs et noté l’augmentation des réclamations non seulement au niveau du Médiateur national de l’énergie mais aussi au niveau du Médiateur EDF qui a vu doubler le nombre de réclamations en un an.
Bertrand Lapostolet, chargé de mission Fondation Abbé Pierre, a estimé qu’il convenait de remodeler les tarifs sociaux, désormais inadaptés à la situation : « en 2006, un ménage sur 6 était en précarité énergétique, ça commence à faire du monde ». Or, ces ménages, même aidés par les tarifs sociaux, restent en situation de « précarité énergétique » et n’ont plus de « capacité d’arbitrage car les dépenses contraintes ont augmenté ces 25 dernières années (logement, eau, énergie, assurances). « Le reste à vivre pour ces ménages est de 5,50€/jour/personne une fois le loyer , eau , gaz, électricité payés ».
Tout cela doublé en 25 ans, y compris pour les ménages modestes et même les classes moyennes ». Il estime qu’il « faut dimensionner autrement les mécanismes de solidarité ».
Pour Marc Jedliczka (Negawatt), il est en fait important de repartir des « besoins des personnes physiques » et de sortir d’un « système addictif » de consommation de l’énergie, avant de parler du prix de l’électricité. Lui aussi plaide pour la gestion des besoins « à l’échelle des territoires : on ne va pas délocaliser les logements. C’est là aussi qu’il y a des gisements d’énergies renouvelables ».. Il insiste sur la nécessité d’inverser le regard, de partir des territoires où la collectivité a un rôle essentiel à jouer.
Concluant ces débats, Catherine Peyge, Présidente du Sipperec, a estimé qu’il fallait maintenir la qualité de vie apportée par l’électricité. « Nous pouvons la maintenir tout en ayant une préoccupation de « sobriété énergétique » c’est-à-dire de consommer ce dont nous avons réellement besoin et en retour de payer le juste prix : c’est-à-dire le coût de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation du produit.Pour atteindre cet objectif, la dimension du territoire doit être absolument prise en compte, tant pour la maîtrise de l’énergie, la qualité des réseaux que pour la production d’électricité.
Après l’accident de Fukushima, elle a demandé un « débat démocratique sur l’énergie en général et l’électricité en particulier» Aussi le Sipperec demande la « publication dans leur intégralité des rapports Roussely et Champsaur. La culture du secret ne doit pas avoir lieu dans les prix de l’électricité. Et cette transparence doit être immédiate car des hausses sont attendues pour juillet 2011 et peut-être janvier 2012 ».
À propos du compteur Linky, « L’expérimentation des compteurs Linky doit faire l’objet d’une évaluation indépendante, intégrant les avantages et désavantages économiques pour les consommateurs, préalablement à toute généralisation. Les collectivités souhaitent notamment que soient définis clairement les coûts, en incluant les évolutions prévisibles du système comme l’intégration des énergies renouvelables et les outils annexes (box des fournisseurs, afficheur déporté). Le compteur en effet est un bien qui est partie prenante du service public et est financé par l’ensemble des consommateurs. »
À propos du Tarif de Première Nécessite, elle a redemandé la publication du décret permettant son automaticité, attendu depuis de nombreux mois et une meilleure adéquation des procédures et montants pris en charge pour faire face à la montée de la précarité énergétique.
À propos des comptes de concession pour la fourniture dont aucun élément ne figure dans les comptes-rendus d’activité du concessionnaire, la Présidente a réclamé la transparence, « L’argument selon lequel l’existence de tarifs réglementés de vente nationaux ne permettrait pas la mise en oeuvre de cette nécessaire transparence ne peut être retenu. En effet, c’est à notre concessionnaire EDF dans ses comptes de faire la séparation entre les recettes et les coûts imputables aux clients ayant recours au prix de marché et les recettes et les coûts imputables aux clients bénéficiant des tarifs réglementés de vente.
Cette distinction est indispensable. Cette transparence financière au niveau de la concession doit s’appuyer sur la transparence des coûts de la production. »
Lors des débats, Didier Lenoir, vice-président du Comité de liaison des énergies renouvelables (CLER), a indiqué qu’une question prioritaire de constitutionnalité avait été déposée sur les concessions de distribution d’électricité. Cette QPC vise l’inégalité entre les citoyens sur le territoire de régies (possibilité de choisir le mode de gestion) et ceux desservis par ERDF (monopole de fait). »
SIPPEREC, Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Électricité et les Réseaux de Communication Tour gamma B- 193-197 rue de Bercy 75582 PARIS cedex 12