Ils reviennent et ils ne sont pas contents.
Quelques mois après la conférence de presse de Condat, Par l’intermédiaire de leur fédération professionnelle, la Copacel, les papetiers ont fait connaître avec une belle unanimité leurs griefs à l’égard de RTE et, c’est nouveau, d’ERDF. En cause, la qualité d’alimentation avec des « creux de tension » qui perturbent voire interrompent la production des usines. « Lorsque vous avez un creux de tension de près de 90%, explique Frédéric de Agostini, directeur de l’usine de Condat, au lieu de 90.000 volts, vous n’avez plus que 15.000 volts. Et l’usine est dans le noir. »
Un constat partagé par Yves Bailly, directeur général de Norske Skog, deuxième producteur mondial de papier journal, un électro-intensif (plus d’un térawattheure de consommation annuelle), implanté à Golbey dans les Vosges. Lui qui s’acquitte d’une facture de 400.000 euros par mois pour le seul transport d’électricité estime que le coût des incidents (109 perturbations en 2008, dont six entraînant un blackout pour le site) se chiffre pour l’usine à 1,5 million d’euros par an. Et s’insurge: « nous sommes les seuls à reporter au niveau du groupe ce type de problèmes. Dans les autres usines, en Allemagne, Autriche, Hollande, rien de tel ». Faisant part de courriers systématiquement envoyés à RTE, il énumère les explications reçues en guise de réponse: « rosée du matin, fientes de l’avifaune, orages, cause inconnue… »
Un représentant d’Ahlstrom déplore que, depuis fin 2005, RTE ne fournisse « plus d’indication sur la durée et la profondeur des creux de tension ».
Fait nouveau, ERDF est aussi mis en cause pour la mauvaise qualité de l’alimentation électrique. Ainsi Philippe Agut, directeur général de PDL (groupe Bolloré), fait part de 35 heures d’interruption de service en 2007 et de 61 heures en 2008 pour l’usine de Laval-sur-Vologne (Vosges) « C’est presque 1% du temps de production de l’usine », assène-t-il, chiffrant les pertes à 200.000 euros, soit 0,6% de son chiffre d’affaires.
A quelques jours de l’audience du Cordis (Comité de règlement des différends et des sanctions) piloté par la Commission de régulation de l’énergie (CRE), le 25 novembre, les papetiers affichent leur volonté d’obtenir des dédommagements de RTE et, surtout, des engagements d’investissements pour garantir la qualité de l’alimentation. Selon la Copacel, il y aurait 17 « points noirs » électriques en France, dont une dizaine seraient des usines papetières (cliquez ici pour la définition des « points noirs »). Le coût estimé de mise à niveau, sur la base d’une étude réalisée à Condat, s’établirait à 5 millions d’euros par site. « On ne souhaite pas être remboursés pour être remboursés! indique Frédéric de Agostini. On veut faire notre métier, on veut faire du papier! Il est complètement anormal que ce soit les papetiers qui cherchent des solutions et non pas RTE dont c’est le métier. C’est ce que nous dirons au Cordis. »
Par la voix de son président, Gérard Bontemps, la Copacel a marqué son opposition à une hausse des tarifs de transport et de distribution: « c’est une double peine: les papetiers verraient leur facture augmenter alors qu’ils sont pénalisés par des problèmes de non qualité de l’onde électrique. » Elle réclame l’intégration d’un « objectif de maximum de creux de tension dans le contrat de base de transport d’électricité et non dans les options ». Et met en avant les résultats nets de RTE: 150 millions d’euros en 2001, 410 millions en 2007.
Réponse du Cordis prévue en fin d’année. La Copacel envisage également de saisir la commission Champsaur, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’Uniden.
Voir aussi: Condat a valorisé sa cogénération.