Alors, qui sera épinglé cette année? La livraison attendue du rapport annuel du Médiateur de l’énergie a peut-être suscité quelques sueurs froides ici ou là. Mais toujours pas de palmarès des piqûres. Cela dit, quelques perfusions bien senties.
> Le rapport est en ligne sur le site du MNE (attention: PDF de 2,9 Mo).
> Pour des explications complémentaires, vous pouvez visionner l’interview de Bruno Léchevin, délégué général du MNE.
Précarité énergétique
Un chiffre d’abord: 500.000 consommateurs ont fait l’objet d’une réduction ou d’une suspension de fourniture d’énergie en 2011. le Médiateur demande la publicité des interventions pour impayés des différents opérateurs, lesquels ne souhaite pas « rendre publiques des données chiffrées » à ce propos.
Le MNE pointe aussi la portée limitée des aides du Fonds de solidarité logement (FSL, 300.000 foyers) ou encore des situations ubuesques, telle celle-ci où « EDF se retranche derrière un accord (avec des services sociaux) pour mettre en oeuvre une coupure » au moment où le maire de la commune en question payait la facture…
Enfin, toujours pour le FSL, le MNE souligne qu’EDF, qui se présente sur son site comme « le principal contributeur financier après les collectivités territoriales », ne fait pas une si mauvaise affaire: 23 millions d’euros versés en 2010, mais 16 remboursés par la CSPE. Soit, calcule le MNE, 7 millions nets, à peine plus que l’aide « de GDF Suez (6 millions) qui a pourtant trois fois moins de clients ». A cela s’ajoute le versement d’aides accordées par le FSL au titre du règlement des factures impayées ce qui représentait pour EDF « entre 50 et 60 millions d’euros » en 2010.
> Il faudrait cependant avoir le montant des factures impayées non recouvrées pour avoir une idée précise de l’impact du FSL sur le bilan d’EDF.
Linky, « compteur semi-communicant »
Le MNE rappelle les multiples questions soulevées par le déploiement du compteur évolué Linky, le qualifiant de « compteur semi-communicant », un outil au service du distributeur (ERDF) et des fournisseurs, mais qui oublie le consommateur. Ou alors, compte tenu du coût des éventuels services de maîtrise de l’énergie, aux seuls consommateurs aisés… Cité dans le rapport annuel, Pascal Sokoloff, directeur général de la FNCCR, décrypte la future « gratuité » du compteur Linky, qui « pourra être neutre pour le consommateur », s’il génère des gains de productivité équivalents à son coût, mais il ne sera pas gratuit ».
La question de la propriété, un temps revendiquée par ERDF, ne semble plus d’actualité. Ladislas Poniatowski, sénateur de l’Eure, est explicite: « ils doivent « demeurer la propriété des collectivités, garantes de l’intérêt général, dans leur rôle d’autorités organisatrices de la distribution d’énergie ». Pour Michèle Bellon (p. 33), présidente d’ERDF, c’est à celle du financement qu’il faut apporter une réponse, soit par la durée des contrats de concession (« sécuriser dans le temps la remontée vers ERDF des flux financiers »), soit par une « indemnisation éventuelle » (en fin de contrat?). Cependant, sur la page opposée (p. 34), Eric Besson, ministre de l’Industrie, estime que « le déploiement de ces nouveaux compteurs ne coûtera rien au consommateur: il sera financé sur fonds propres d’ERDF ».
Croisière
8044 saisines reçues en 2011 contre 7066 en 2010: un rythme de croisière semble s’installer. Un tiers d’entre elles est recevable.
Suivi des recommandations
Comme en 2010, ce sont les deux distributeurs ERDF et GRDF qui suivent le moins les recommandations du MNE. ERDF les applique une fois sur trois en totalité (32% – contre 43% en 2010) et 16% en partie. C’est le mauvais élève du cru 2011, chipant la place à GRDF qui applique 44% des recommandations en totalité (contre 29% en 2010) et 16% en partie (identique). EDF et GDF Suez, suivis de près par Poweo, sont les bons élèves, appliquant environ 90% des recommandations du Médiateur.
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Un consommateur obtient en moyenne 410 euros après un litige.
Toujours plus haut
Le MNE estime que ses recommandations devraient s’imposer aux entreprises (comme c’est le cas pour son homologue britannique), rappelle son souhait de pouvoir étendre ses compétences aux litiges entre les PME-PMI et les fournisseurs d’énergie, et s’invite aussi dans la grande communauté du photovoltaïque en proposant son intervention dans les litiges ayant trait aux raccordements et contrats d’achat lorsqu’il s’agit de particuliers (souviens-toi de Bettina) – le Cordis traitant dans les faits des conflits d’entreprises.
Dodo
Le marché de l’énergie est « en sommeil », souligne le MNE. Effectivement. Le marché reste « désincarné (et) quasi-monopolistique ». S’agissant des 15% de foyers ayant souscrit une offre duale, le MNE s’interroge benoîtement: « il n’est pas sûr que les consommateurs soient bien informés qu’ils changent de fournisseur pour l’une des deux énergies ».