Les membres de la commission Champsaur étaient muets – et respectèrent la consigne. Après la publication du rapport, l’un d’entre eux, François Brottes, député (PS) de l’Isère, a fait part, dans un communiqué, de quelques nuances d’appréciation sur les conclusions rendues publiques vendredi 24 avril.
Considérant que le rapport a répondu à « l’objectif fixé par le Gouvernement : élaborer une boîte à outils pragmatique permettant d’organiser en France la transition vers un marché de l’électricité libre et concurrentiel », il regrette cependant que cet objectif ait été trop bien rempli en donnant « rapidement satisfaction à l’actuelle Commission européenne, obnubilée par le marché concurrentiel, en sauvant temporairement ce qui peut l’être ».
François Brottes déplore notamment le choix de la commission « de ne pas étudier l’autre alternative possible, «eurocompatible» elle aussi, d’un pôle public de production nucléaire et de transport, ou de transport seul ». Il indique également que « le maintien des tarifs réglementés pour les particuliers est temporaire, jusqu’à ce que le consommateur sache se «débrouiller» dans la jungle de la concurrence grâce aux compteurs intelligents » – le rapport propose le maintien des tarifs réglementés de vente assorti de la réversibilité*. Pour le député socialiste, « le sort des industriels et des entreprises reste dans le flou: rien n’est avancé pour remplacer le Tartam ou sur la question des contrats de long terme, essentiels à la survie de filières entières » – ce qui pose la question d’une politique industrielle, allant sans doute au-delà des objectifs assignés à la comission Champsaur.
Deux autres sujets n’ont pas été traités, poursuit-il: la production hydraulique et les réseaux. S’agissant de la première, l’arbre nucléaire cache la forêt des barrages: « «hors production nucléaire point de salut», puisque la commission a écarté les 12% de production hydroélectrique, dont les coûts ultra compétitifs devraient aussi profiter aux consommateurs ». Enfin, pour les réseaux, »qui sont au coeur du service public de l’électricité, (leur avenir) n’est pas traité alors que l’acheminement de l’électricité représente 45% des tarifs actuels ».
Une réaction complémentaire est à observer à la CFDT, au travers du blog de Patrick Larradet, administrateur salarié de RTE (billet du 24 avril): « enfin, il est aussi étrange que ce principe ne s’applique pas aux deux principaux consommateurs d’électricité en France que sont les gestionnaires de réseau. Il est encore plus incroyable que cette réflexion soit renvoyée aux calendes grecques pour Champsaur, alors que justement, le coût de l’achat des pertes est répercuté à l’ensemble des consommateurs. Bref le « sourcing » c’est bon pour les affaires: pas pour le Service public! »
Télécharger le communiqué de presse de François Brottes.
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* Extrait du Rapport Champsaur (p. 19):
« En revanche, pour les petits consommateurs (tarifs bleus voire une partie des jaunes), du fait de leurs caractéristiques spécifiques (inertie, insuffisance du comptage), la commission préconise le maintien des tarifs réglementés :
– le niveau de ces tarifs doit être tel qu’il permette à la concurrence d’élaborer des offres compétitives basées sur l’approvisionnement par un accès régulé à la production en base. Il devra être élaboré par la même institution que pour les contrats d’accès régulé à la production d’électricité en base aux conditions économiques du parc historique, et basé sur l’empilement des différents coûts sous-jacents;
– les consommateurs devront pouvoir aller et venir sans contrainte des offres réglementées aux offres libres et réciproquement ;
– tous les fournisseurs pourront proposer les offres aux tarifs réglementés ».