Le Médiateur national de l’énergie a publié son rapport d’activité de l’année 2012, un rapport mettant l’acent sur l’accentuation de la précarité énergétique et l’inefficacité des tarifs sociaux. Le constat du MNE s’inscrit dans le droit fil des témoignages récemment déposés sur notre forum ou les commentaires de cette actu.

Extraits du discours de Denis Merville :

« Rappelons que 8 millions de Français (4 millions de ménages) au moins consacrent plus de 10% de leurs revenus aux dépenses d’énergie. En 2012, et c’est un chiffre en constante augmentation, près d’une sollicitation du médiateur sur cinq relevait de difficultés de paiement, avec une dette moyenne de 1900€. La situation en 2013 est déjà alarmante : le quart des dossiers que nous recevons depuis janvier concerne des difficultés de paiement avec un pic à 34% en mars. »

Le MNE formule plusieurs propositions dont celles

d’un fournisseur de dernier recours.
« Tout le monde n’arrive pas à payer ses factures d’énergie aujourd’hui, et la situation ne peut que s’aggraver. Des centaines de milliers de foyers subissent des coupures, d’autres voient même leur contrat résilié unilatéralement par leur fournisseur.
Or, il n’existe pas aujourd’hui en France un fournisseur qui accepte les consommateurs résiliés à cause d’impayés et qui n’arrivent pas à souscrire de nouveau contrat. Contrairement à une idée tenace dans le secteur, aucun fournisseur ne joue ce rôle aujourd’hui.
Seule solution aujourd’hui pour souscrire un contrat quand les fournisseurs ne veulent plus de vous ? Mentir en disant qu’on vient d’emménager, ou donner un autre nom. Seule l’institution d’un fournisseur de dernier recours, assurant dans des conditions définies par la loi une fourniture minimale, peut permettre d’éviter que ce type de situation ne se développe. C’est une piste à examiner. »

Et de la mise en place immédiate d’un chèque énergie, via les Aides Personnalisées au Logement, qui prendrait acte de l’échec du TPN.

« C’est une proposition que nous portons également depuis plusieurs années, et qui a été récemment reprise dans les conclusions d’un des groupes de travail du Débat national sur la transition énergétique.
Les tarifs sociaux, TPN et TSS, nous le répétons depuis plusieurs années, ne sont pas la meilleure solution : ils coûtent cher en gestion, parviennent péniblement à toucher la moitié des bénéficiaires potentiels et sont profondément inéquitables car ils ne prennent en compte que le chauffage au gaz naturel. Les ¾ des ménages qui se chauffent à l’électricité, au fioul, au bois, via des réseaux de chauffages urbains… ne touchent rien pour ce qui constitue leur principal poste de dépense énergétique.
Ces tarifs sociaux ont certes le mérite d’exister, et il convient toujours d’y réfléchir à deux fois avant de remplacer un système imparfait, mais qui fonctionne, par un nouveau dispositif dont on sous-estime souvent les coûts et délais de mise en oeuvre.
Le problème, c’est que la complexité administrative et logistique des tarifs sociaux rend toute évolution coûteuse et longue. Trois exemples :
L’extension des bénéficiaires du TPN/TSS aux bénéficiaires de l’ACS (Assurance Complémentaire Santé), prévue par un arrêté du 21 décembre 2012 ? Elle n’est toujours pas mise en oeuvre, presque 7 mois après, et ne le sera pas avant plusieurs semaines sans doute, les fournisseurs n’ayant reçu les fichiers que fin mai 2013, au bout de 6 mois.
L’extension du TPN à tous les fournisseurs alternatifs prévue dans la Loi Brottes ? Il faudra au moins un an, voire deux, avant que cela ne fonctionne au vu de l’ampleur du chantier réglementaire et technique.
L’extension du TPN/TSS aux foyers fiscaux dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté ? Comme pour l’ACS, il faudra entre 6 mois et 1 an pour que les fournisseurs – actuels – intègrent ces nouvelles données dans leurs outils de facturation.
Résultat : l’élargissement du TPN/TSS voté en mars 2013 ne sera pas en oeuvre pour l’hiver 2013-2014 et sans doute 2014-2015, et des millions de ménages précaires qui en ont besoin n’en bénéficieront pas.
Or, 6,2 millions de personnes bénéficient aujourd’hui des APL (Aides personnalisées au Logement) : un complément au forfait charge, qui existe déjà, bénéficierait immédiatement à tous ceux qui en ont besoin, pour un coût de gestion marginal. C’est une mesure qui répond parfaitement au « choc de simplification » souhaité par les pouvoirs publics. Le système pourra bien sûr être affiné à l’avenir, avec un versement sous forme de chèque affecté ou un tiers payant en faveur des fournisseurs.
Cela prendra peut-être un peu plus de temps pour ceux qui n’ont pas l’APL aujourd’hui, mais 80% des bénéficiaires toucheront quelque chose dès cet hiver ! »

La dernière proposition est delle d’une réévaluation significative du montant des aides versées pour le paiement des factures via le chèque énergie.

« Aujourd’hui, TPN et TSS ne coûtent pas très cher, c’est vrai, moins de 200 millions d’euros par an, mais c’est parce qu’ils touchent peu de monde et pour de faibles montants.
Nous proposons de doter le chèque énergie d’un montant d’au moins d’1 milliard d’euros par an, financé par la CSPE en électricité et son équivalent en gaz, la CTSS. Ce montant est à rapprocher des 5 milliards collectés chaque année par la CSPE pour financer le développement des énergies renouvelables (3 Mds d’€), et la péréquation tarifaire dans les zones insulaires (1,4 Md d’€). Nous sommes devant des choix importants à faire. »

Cliquez ici pour télécharger le rapport d’activité 2012 du Médiateur de l’énergie.

En cinq ans, le médiateur a :
– reçu et analysé près de 72 000 litiges,
– renseigné 5 millions de personnes grâce à Energie-Info,
– émis 4 710 recommandations,
– obtenu le versement d’au moins 3 millions d’euros aux consommateurs, avec une moyenne de 519 euros en 2012.