Dans un rapport daté du 15 décembre et rendu public ce mercredi 6 janvier, Philippe Pelletier (comité stratégique du plan Bâtiment Grenelle) a émis neuf propositions destinées à réduire la précarité énergétique. Valérie Létard, secrétaire d’Etat au développement durable, l’avait chargé en septembre dernier de rédiger ce rapport qui s’appuie sur une réflexion partagée avec plusieurs organismes (Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, Agence nationale de l’habitat (ANAH), ou l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Les préconisations ciblent 425.000 ménages parmi les plus fragiles, qualifiés de « noyau dur de la précarité énergétique ». Le rapport définit la précarité énergétique comme une situation combinant trois facteurs principaux (page 5):
– des ménages vulnérables de par la faiblesse de leurs revenus,
– La mauvaise qualité thermique des logements occupés,
– Le coût de l’énergie.
Pour y faire face, les familles « ont principalement trois types de réactions: calfeutrement des aérations, utilisation de solutions de chauffage inadaptées, notamment les poêles à pétrole, privation de chauffage ».
Il évoque également « le taux d’effort énergétique (part des ressources consacrées par un ménage à ses dépenses d’énergie dans le logement), estimant qu’en « 2006 en France, il est en moyenne à 5,5%, mais il est passé de 10 à 15% pour les ménages modestes entre 2001 et 2006 ». Ce qui permet de, « en exploitant les données de l’INSEE » de compter qu’au moins « 3.400.000 ménages (13% des ménages) sont aujourd’hui en précarité énergétique avec un taux d’effort énergétique supérieur à 10% ». Le rapport évoque « les personnes du 1er décile de revenu (qui) consacrent 15% de (leurs) ressources à l’énergie » qui représentent un groupe d’environ 425.000 ménages, lesquels « constituent le groupe social le moins bien ciblé par les dispositifs incitatifs actuels pour les aides aux travaux (éco-prêt à taux zéro) ou en cours de réflexion, notamment les aides aux copropriétaires débattues dans le cadre d’un autre groupe de travail du Plan Bâtiment Grenelle sur les copropriétés ».

Après avoir évalué les dispositifs d’aide actuels (Tarifs sociaux pour l’électricité et le gaz, aides à la cuve, forfait de charges lié aux allocations logement, fonds de solidarité logement, aides ‘extralégales’, le rapport formule neuf propositions (page 16 et suivantes).
Quatre dispositions nationales.
– La lutte contre la précarité énergétique inscrite dans la loi pour définir un cadre d’action, avec proposition d’amendement à la clef*.
– Un observatoire pour connaître et évaluer, donner un appui au pilotage national.
 – Un bouclier énergétique à maintenir et renforcer: un chèque énergie pour aider les ménages à faire face aujourd’hui aux dépenses d’énergie. pour ce chèque énergie, le rapport indique qu’il « reste néanmoins nécessaire de trouver des réponses quant à la mise en oeuvre : articulation avec l’existant notamment pour ce qui concerne les tarifs sociaux électricité et gaz (à terme, remplacement des tarifs existant, ou bien complément de ces tarifs), lien avec la réflexion sur le forfait de charges AL-APL, mode de distribution, définition d’un montant forfaitaire calé sur une approche des coûts de chauffage, etc »;
– L’inscription de la performance thermique dans les textes indécence/insalubrité pour lutter contre les passoires énergétiques et le lien avec les dispositifs santé
Cinq dispositions locales.
– Mettre en oeuvre localement un volet – lutte contre la précarité énergétique dans les PDALPD.
– Aller à la rencontre des personnes avec des visites à domicile pour mieux lier repérage des situations et actions sur les logements. Le coût de ces visites, estimé à 200 euros chaque, serait financé par l’Etat et les collectivités mais aussi via les CEE (certificats d’économie d’énergie). Là encore avec amendement à la clef (page 35 du rapport);
– Généraliser et renforcer des Fonds locaux de lutte contre la précarité énergétique pour mieux coordonner les actions et accompagner le ménage jusqu’à la réalisation de travaux.
– Soutenir ces fonds locaux par un dispositif national de chèque vert travaux économes pour aider les ménages à rendre leur logement performant. Ce « chèque vert » pourrait s’établir à 2.500 euros;
– Le compléter par un meilleur accès au crédit pour les plus modestes.

Cliquez ici pour télécharger le rapport du « Groupe de travail Précarité énergétique » présidé par Philippe Pelletier (attention: fichier PDF de 2Mo).

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* PROPOSITION D’AMENDEMENT PROJET DE LOI
portant engagement national pour l’environnement
ARTICLE 3 bis A (nouveau)
Compléter cet article comme suit :
L’article 4 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement est complété dans son alinea 2 par les mots « ou de précarité énergétique » après les mots « situations d’habitat indigne ».
Il est complété par un 4ème alinea ainsi rédigé :
<< Est en précarité énergétique au titre de la présente loi, une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d'énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'habitat.>> »
Il est complété par un i ainsi rédigé :
« i) le repérage des situations de précarité énergétique dans le logement, les actions curatives visant à améliorer l’accès à l’énergie, prévenir et limiter les coupures d’énergie, ainsi que les actions préventives visant à améliorer dans le respect de l’environnement la performance et le confort thermique des logements concernés, en s’appuyant sur un diagnostic partagé et une évaluation annuelle des actions menées et de leurs effets.»
Exposé des motifs
La lutte contre la précarité énergétique a été inscrite par amendement en première lecture du projet de loi au Sénat dans un nouvel article 3 bis A, modifiant l’article 2 de la Loi 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en oeuvre du droit au logement. Le présent amendement vise à préciser cette inscription dans le cadre de la Loi 90-449 du 31 mai 1990, en introduisant d’une part une définition cadre de ladite précarité énergétique dans le logement, et d’autre part en intégrant la lutte contre la précarité dans les priorités des Plans départementaux d’actions pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD).
Cette modification du texte doit permettre de généraliser dans les PDALPD la création de dispositifs performants de lutte contre la précarité énergétique, en insistant sur la nécessité d’une démarche d’évaluation au regard des enjeux spécifiques liés au développement durable.