Nous publions ci-après une tribune de Bertrand Lesage, ingénieur hydroélectrique.

« La petite hydraulique : une alternative à l’intermittence des énergies renouvelables ?

Désignant l’utilisation de la force hydraulique par de petites unités de production décentralisées, la « petite hydraulique » s’affiche désormais comme une solution valable en plein développement dans le cadre du processus de transition énergétique. De faible capacité mais présentant toute les qualités d’une énergie propre, stable, durable et locale, la petite hydraulique offre en effet de nouvelles pistes de développement pour la filière hydraulique française et s’impose progressivement comme une énergie de complément prometteuse.

Si l’hydroélectricité est à ce jour la première des énergies renouvelables en France (et la moins chère), représentant environ 12 % de l’énergie produite annuellement, elle est limitée depuis quelques années par de nouvelles directives européennes et gouvernementales réglementant l’exploitation des rivières dans le sens d’une protection croissante de la biodiversité.

Contraints géographiquement, les exploitants français se tournent alors progressivement vers la petite hydraulique, une filière de production reposant sur des installations de petites tailles, bien loin des grands barrages hydroélectriques, et dont la puissance de production se compte en quelques mégawatts.

Construites au fil de l’eau, les petites centrales hydrauliques (PCH) ne demandent ni retenue ni vidanges ponctuelles susceptibles de perturber l’hydrologie, la biologie ou la qualité de l’eau, et permettent généralement une production d’électricité stable et locale. Elles regroupent l’ensemble des installations dont la puissance est inférieure à 10 MW et représentent un potentiel estimé à plus de 1000 MW sur le territoire français.

Un potentiel de développement qui reste donc assez faible au regard des puissances de production développées dans l’hydroélectricité traditionnelle, mais dont le rôle dans la transition énergétique ne doit pas être sous-estimé. Installées en bord de rivière ou sur des réseaux d’eau potable, turbinant les eaux des canalisations, les PCH présentent en effet une constance précieuse dans la production et s’adaptent ainsi parfaitement à l’intermittence des autres énergies renouvelables.

La nouvelle microcentrale hydraulique EDF du Rondeau par exemple, située au cœur de l’agglomération grenobloise et inaugurée récemment, permet selon Stéphane Toletti, directeur du groupe d’exploitation hydraulique Ecrin Vercors, « de turbiner et donc de produire de l’électricité avec une très faible hauteur d’eau, à savoir 4,2 mètres et un débit de 75 à 80 mètres cubes par seconde ».

Les turbines en question baptisées VLH (Very Low Head ou « très basse chute ») et créées par la société aveyronnaise MJ2 Technologies, offrent la possibilité inédite jusqu’à aujourd’hui pour l’exploitant français de produire de l’électricité à partir d’une très faible hauteur de chute, réduisant ainsi sa dépendance à la pluviométrie et aux fluctuations du débit.

Équipée de quatre turbines pour une puissance cumulée de 2.200 kW, la centrale du Rondeau est à ce jour la plus grande centrale française de sa catégorie et aura nécessité un investissement global de 8,7 millions d’euros pour une production annuelle équivalente à la consommation électrique de 5.700 habitants.

Mais outre le groupe EDF qui gère, via ses filiales EDF EN ou SHEMA, plusieurs dizaines de petites centrales hydrauliques en France, la filière connaît également un fort développement au sein de la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et de la Société hydroélectrique du Midi (SHEM) qui exploitent à elles deux près d’une vingtaine de PCH sur le territoire. »

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Crédit photo: barrage du Moulin de Cassin (SICECO).