Nous retranscrivons ci-après des extraits du petit déjeuner débat organisé par Enerpresse et le BIP, consacré à la sortie du moratoire du photovoltaïque. Avec, comme intervenants, Jean-Louis Bal, (tout nouveau) président du Syndicat des énergies renouvelables, Marc Bussiéras, directeur Réseaux ERDF, Tahar Melliti, conseiller Energie, Commissariat général à l’investissement (services du Premier Ministre), et Arnaud Gossement, avocat associé au Cabinet Huglo-Lepage.
Ce débat s’inscrit au lendemain d’une période de concertation (et de contestation) et juste après la publication au JO du nouvel arrêté tarifaire fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie radiative du soleil.


Nouvel arrêté tarifaire
Jean-Louis Bal (SER): « La principale conséquence de cet arrêté est non pas de mettre en péril le développement du photovoltaïque mais il met en péril l’industrie française, toute la chaine de valeur, les fabricants de modules et de cellules. Les responsabilités sont clairement du côté de l’Etat. Il y a eu clairement une absence de pilotage, entre fin 2008 et début 2010, notamment . Je rappelle qu’en septembre 2008, Jean-Louis Borloo annonce de nouveaux tarifs. Avant qu’ils n’entrent en vigueur, il s’est écoulé plus d’un an, alors que, dans le même temps, les prix chutaient. Cela a créé un effet d’aubaine. Les tarifs auraient dû baisser beaucoup plus tôt et de manière moins brutale. »
Sur la baisse des tarifs, Jean-Louis Bal rappelle que « la révision trimestrielle peut être très forte, jusqu’à 9,5% et pas en fonction du marché mais en fonction de l’entrée dans la file d’attente ».

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La concertation
Jean-Louis Bal (SER): « Le duo Claude Trink Jean-Michel Charpin a très bien fonctionné. Ils ont beaucoup écouté, recueilli les propositions » Ces propositions figurent dans le rapport « avec un avis plutôt favorable ». Cette concertation a-t-elle servi à quelque chose? « Quand on lit l‘arrêté, la concertation n‘a servi à rien.» Au CSE, « il était amusant de constater que les parlementaires étaient d’un avis plutôt opposé à celui du commissaire du gouvernement. Mais celui-ci a fait valoir que c’était arbitré à Matignon et qu’il n’y avait pas de discussion possible ».

Arnaud Gossement:: « L’une des faiblesses du solaire photovoltaïque, c’est l’extrême division des acteurs ».

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Entreprises
Jean-Louis Bal (SER): « Le marché 2011 va se maintenir au niveau de celui de 2010, de l’ordre de 800 à 1000 MW. Les effets se feront sentir en 2012. Sur les 25.000 emplois du photovoltaïque, la moitié sera en péril à cette échéance. La question est de savoir comment l’industrie va s’adapter dans un contexte économique contraint par des tarifs beaucoup plus bas. Les entreprises auront recours à des panneaux fabriqués en Allemagne ou en Chine. »
Jean-Louis Bal (SER): « Quelle place la France veut-elle occuper dans l’industrie du photovoltaïque? On a négligé la politique de l’offre. »

Arnaud Gossement:: « L’Etat a été un piètre pilote industriel de cette filière. Jean-Louis Borloo avait promos un cadre clair, stable et durable. Or, avec les arrêtés, nous n’avons pas de nouveau cadre juridique mais deux nouveaux textes qui viennent s’exister dans ceux existants. La concertation Trink-Charpin n’a à ce point servi à rien qu’on est en train de mettre en place une nouvelle concertation pour réfléchir au nouveau cadre juridique du photovoltaïque ».
Arnaud Gossement:: « A quel moment considère-t-on qu’un panneau est français? Lorsqu’il a un cadre métallique français, une substance chimique française? Il y a beaucoup de panneaux malaisiens: comment définit-on un panneau malaisien? Tout cela est flou. J’aimerais un débat politique sur ces sujets ».

Tahar Melliti; « Il ne faut pas sous prétexte de développer la filière photovoltaïque on se retrouve à financer une industrie chinoise ».
« Cette filière est très jeune. L’histoire n’est pas écrite qu’il s’agisse de compétences industrielles comme de compétitivité. L’INES par exemple figure parmi les meilleurs centres de recherche au monde. »

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Appel d’offres
Le SER est « volontaire pour participer à la rédaction des cahiers des charges« , explique Jean-Louis Bal. « On travaille actuellement avec la DGEC pour ‘appel d’offres éolien offshore où entre dans les critères d’évaluation, l’aspect industriel. On doit pouvoir faire la même chose. »

Arnaud Gossement:: « L’objectif de 5400 MW ne veut rien dire pour un juriste. Est-ce un plafond? Un plancher? On ne comprend rien à la politique du gouvernement« ». L’objectif des appels d’offres est de « compléter ou d’accélérer le développement de la filière. Je rappelle qu’au moment de ler lancement, le communiqué du ministère de l’Ecologie entendait « faire du volume ». Aujourd’hui, les appels d’offres sont là pour freiner le développement. Il y aura des contentieux, des situations d’inégalités, notamment en raison de la confrontation entre un acteur majeur, EDF, et des entreprises qui viennent d’arriver sur le marché ».

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File d’attente
Marc Bussiéras (ERDF): « Sur le périmètre ERDF, nous avons aujourd’hui 2000 MW que nous sommes en train de raccorder – à condition que ces dossiers aillent jusqu’au bout. En 2010, nous avons raccordé 600 MW avec des délais moyens de 5 mois pour les installations domestiques, 11 mois pour celles de moyenne puissance (hangars, toitures…) et 14 mois pour les grandes installations. »
« Je n’ai pas d’inquiétude sur notre capacité de réponse en sortie de moratoire. On va revenir sur des flux qui n’ont rien à voir avec ceux que nous avons connus ces derniers mois. »

Arnaud Gossement:: « L’arrêté ne vient que consolider une mauvaise nouvelle: le tarif entre en vigueur uniquement le jour de la signature du contrat » entre EDF OA et le producteur. C’est une véritable « insécurité juridique ». Il se dit frappé par « l’absence de mesure de transition. Le comité de règlement des différents (Cordis) de la CRE est saisi à l’heure actuelle d’une centaine de différends ». Enfin, « la commission d’accès aux documents administratifs doit rendre sa décision cette semaine » sur la transparence de la file d’attente.

Sur cette transparence, Marc Bussiéras précise qu’ERDF « n’a pas le droit de publier des informations individuelles. C’est la loi ».

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Appel à manifestations d’intérêt
Tahar Melliti: « il y a des projets, qui sont, pour 50 à 60%, portés par des start-up, non adossés à des grands groupes ».

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CSPE
La CRE estime à 2 milliards d’euros par an le montant des charges de service public à horizon 2020.
Jean-Louis Bal: « Ca représente 5% d’augmentation de la facture d’électricité. Pour un ménage qui ne se chauffe pas à l’électricité, c’est 15 euros par an. Avec deux ampoules basse consommation, on économise 15 euros par an. En revanche, pour un ménage qui se chauffe à l’électricité, c’est 60 euros par an, c’est un problème ». Mais, observe-t-il, le consommateur sera « aussi sollicité pour les investissements sur les réseaux, via le Turpe, le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires… »
Arnaud Gossement: « il faut supprimer la CSPE et avoir une ligne claire sur la facture consacrée aux énergies renouvelables. Et il faut mettre en balance ces deux milliards avec le déficit commercial de la France largement dû à notre dépendance aux énergies fossiles ».

Jean-Pierre Hauet (consultant): « y a-t-il un équivalent CO2 à ces deux milliards d’euros? »
Jean-Louis Bal: « il ne faut pas considérer le photovoltaïque comme une filière qui va nous permettre rapidement de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. L’ordre de grandeur, c’est le millier d’euro par tonne de CO2. L’enjeu, c’est le développement d’une filière industrielle ».

Plusieurs intervenants de la salle opposent l’électricité d’origine nucléaire et photovoltaïque: « deux milliards! C’est notre argent! » ou encore: « il faut développer le solaire où il y a du soleil! Pourquoi ne pas mettre ces deux milliards d’euros dans la coopération énergétique? »
Tahar Melliti: « L’objectif reste d’atteindre une parité réseau. J’ai grande confiance en l’innovation qui permettra d’atteindre cette parité. L’objectif suivant est l’emploi ».

Un représentant de l’entreprise Soleil du Midi: « dans 10 ans, la parité réseau sera atteinte dans le sud de la France. Elle est déjà atteinte dans le sud de l’Italie et le sud de l’Espagne ».

Un représentant d’une start-up dans le monitoring photovoltaïque: « Je reviens des Etats-Unis. On m’y demande quel est mon marché national. Les subventions, c’est très utile mais ce n’est pas suffisant. On a besoin d’un marché national. Or, le gouvernement est en train de tuer la filière. On nous donne de l’argent d’un côté, on nous étrangle de l’autre ».

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Demain, Pierre Marie Abadie, directeur de l’énergie à la DGEC, interviendra lors d’une table-ronde au Sénat consacrée à l’énergie photovoltaïque.

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Plan drague
Arnaud Gossement:: « Aujourd’hui 8 mars, c’est la journée des droits des femmes. Le plateau exclusivement masculin montre qu’il y a encore beaucoup à faire ».