Nous retransmettrons ci-après en direct des extraits des débats de l’audition, par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) des ministres Nathalie Kosciusko-Morizet et Eric Besson, ainsi que des principaux représentants de la filière nucléaire française: André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Jacques Repussard, directeur général de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, Bernard Bigot, administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, Anne Lauvergeon, présidente du directoire d’Areva, Henri Proglio, président directeur général d’EDF, Henri Revol, président du Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire.

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Nathalie Kosciusko-Morizet
En introduction, NKM observe que les conséquences sont « loin d’être connues, entièrement ». Elle rappelle que les réacteurs ont bien résisté au séisme et se sont arrêtés, mais que le « tsunami a ensuite provoqué de très graves dommages (…). Or, un réacteur arrêté doit ensuite être refroidi ». Elle évoque ensuite la dégradation des installations. « Selon les informations dont nous disposons, les conditions d’intervention dans la centrale sont extrêment difficiles (…). Les opérateurs qui sont sur place prennent des risques pour leur santé et manifestement pour leur vie ». Elle juge ces opérateurs « héroïques ».
Elle estime que la situation est « susceptible de se dégrader », notamment parce que les opérateurs risquent de ne plus pouvoir intervenir sur le site. Elle confirme que des réacteurs sont déconfinés et leur fusion partielle.
Elle rappelle ensuite les conditions de sécurité relatives au parc nucléaire français.
« Le commissaire européen a proposé des tests de résistances (stress trests) de tous les réacteurs en Europe ».
Elle conclut en estimant que les exigences de sécurité sont la condition première de l’acceptabilité sociale du nucléaire.

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Eric Besson
A la demande du gouvernement japonais, « l’AIEA est désormais compétente pour coordonner l’assistance internationale ».
« La France doit tirer tous les enseignements de cette catastrophe ». Il estime que le choix du nucléaire est « pertinent » pour quatre raisons : indépendance énergétique partielle, prix de l’électricité moins cher que dans les autres pays d’Europe, moindre émission de gaz à effet de serre, atout industriel.
« Toute l’information dont nous disposons, nous la diffusons. Nous ne travestissons aucune réalité (…) La France a fait de la transparence un élément déterminant » de sa politique nucléaire. Tout incident est signalé à l’ASN. Ses prescriptions « seront systématiquement pris en compte » (inondation, rupture des moyens de refroidissement…). Il indique que la France soutient la proposition de la Commission européenne et s’efforcera « d’élever et harmoniser les normes de sécurité aux niveaux européen et international ».

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Jean-Marc Ayrault, député (PS) de Loire-Atlantique, estime qu’il « n’est pas sain que nucléaire rime avec secret » et demande que le rapport Roussely soit rendu public. En termes de sécurité, il plaide pour des expertises « pluralistes et croisées ».
NKM: « Nous aurons les mêmes normes d’audit que les Européens »
Eric Besson: « seule une petite partie (du rapport Roussely) a été classé secret défense ».

Jean-Claude Lenoir (Orne, UMP) demande si la France, dans ses implantations outre-mer, est exposée aux radiations, malgré la distance.
NKM: la question « ce n’est pas seulement la distance (…) mais la route des vents ». Elle précise que « si certains de nos territoires venaient à être touchés pas forcément ceux du Pacifique sud mais, peut-être, Saint-Pierre et Miquelon », les données collectées seraient transmises de manière transparente et des mesures prises. « Si on va au bout du scénario catastrophe, des particules peuvent être portées assez loin ».

Yves Cochet (député de Paris, EELV) évoque une situation « incontrôlable et irréversible ». Se réjouissant de l’audit annoncé des centrales nucléaires, il souhaite qu’y soient associées « de fond en comble et de bout en bout » des réprésentants de la société civile (les Amis de la terre, Criirad…). Il plaide, « comme Madame Merkel » pour la fermeture « le plus tôt possible » des réacteurs les plus anciens du parc d’EDF.
NKM: « la société civile est déjà présente dans le système à travers le Haut comité ». « La société civile n’est pas forcément experte ». « Le principe d’un débat est acquis ». Pour le référendum, elle indique qu’il y en a un, un « référendum électoral » en 2012.
Eric Besson: « le débat sur le mix énergétique est constant ».

Jean Dionis du Séjour (Nouveau Centre, Lot-et-Garonne) estime qu’il convient d’organiser un débat sur le prolongement de la durée de vie des centrales.
Eric Besson: « La France est un des rares pays au monde à autoriser la prolongation de la durée de vie des centrales au cas par cas ».

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André-Claude Lacoste (ASN)
Il fait part d’une situation « extrêmement grave ». Il y a des « retombées radioactives très fortes » qui rendent les interventions sur les sites très difficiles. Il estime « très raisonnables » les mesures d’évacuation de la population dans un rayon de 20 km et de mise à l’abri (se calfeutrer) au-delà.
Les conséquences ultérieures: « très vraisemblablement, il n’y aura pas d’impact sanitaire notable ». Il ne se prononce par pour le Japon.

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Jacques Repussard (IRSN)
« Ces réacteurs sont différents du nôtre mais le scénario lui-même, une perte de refroidissement, n’est pas si différent ». Il estime que « des événements extraordinaires peuvent toujours arriver », faisant allusion « à la tempête du Blayais ». Il plaide pour l’élaboration « de normes internationales ».
« On continuera à trouver des traces radioactives partout ».
Pour les Français de retour du Japon, des contrôles seront effectués sur les personnes susceptibles d’avoir été exposées. « Les résultats de ces contrôles seront rendus publics, à l’exception des données individuelles qui relèvent du secret médical ».

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Henri Proglio (EDF)
« La sûreté est une obsession au quotidien (…). Nous y consacrons énormément de moyens ». Il indique qu’EDF tiendra compte de ce qui s’est passé au Japon pour améliorer encore la protection des citoyens, en liaison avec les autorités de sûreté.

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Anne Lauvergeon (Areva)
« S’il n’y avait qu’un réacteur en défaillance, la situation serait plus facilement gérable (…). On n’est absolument pas dans une situation normale d’intervention ». Evoquant la possibilité de faire venir des canadairs depuis la France, elle indique qu’il faudrait 96 heures pour qu’ils rejoignent le Japon, un délai trop important.
Il y a une centaine de collaborateurs d’Areva au Japon, qui ont été rapatriés ».
Elle souligne qu’il y a d’autres réacteurs au Japon qui fonctionnent sont aujourd’hui « indispensables pour fournir au pays l’électricité dont il a besoin ».
« Un avion partira bientôt de Roissy avec à son bord 3000 masques de protection », etc.
« Nous allons avoir besoin en tant qu’industriels, avec Henri Proglio et EDF, de reconstruire un dialogue et une confiance ». Elle insiste sur la question de la sécurité dans ce travail de reconquête.

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François Brottes (PS, Isère): un « document circule sur Internet indiquant que les risques sismiques auraient été sous-évalués ». Qu’en est-il?
André-Claude Lacoste: la « contrepartie de notre indépendance, c’est la transparence. Sur cette crise comme dans d’autres domaines, nous disons tout ce que nous savons ».
« Le risque sismique est traité très sérieusement en France. »

Ladislas Poniatowski (UMP, Eure): « sera-t-il possible de reconstruire, de cultiver » dans les zones touchées par les radiations? Il souhaite « faire un lien entre l’audit demandé par le gouvernement et le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires ».
André-Claude Lacoste: « on n’est pas encore dans la gestion de l’après-crise (…). La seule préoccupation des Japonais, c’est d’arriver à apporter de l’eau » pour refroidir les réacteurs. « C’est leur seule préoccupation ».

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A voir: Philippe Jamet, commissaire de l’ASN, invité du 13h de France 2.


16.03.2011 – 13h – France 2 – Philippe Jamet (I) par ASN_Publications

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Incident
Maxime Gremetz interrompt la séance à deux reprises pour demander aux ministres de déplacer leurs voitures !!!
Serge Grouard: « par rapport à la situation que connait le Japon aujourd’hui, je pense, Monsieur Gremetz, que vous pourriez avoir un minimum de décence! »