Nous publions ci-après une analyse de Cécile Fontaine, Avocate au cabinet Seban & associés (conseil du Sipperec), sur la décision du Conseil d’Etat annulant les tarifs 2009 (bleus, jaunes et verts) d’EDF.

> CE, 22 octobre 2012, Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour l’Electricité et les Réseaux de Communication (SIPPEREC), req. n° 332641

——–
« Par une décision du 22 octobre 2012, le Conseil d’Etat a fait droit à la demande du SIPPEREC, syndicat mixte regroupant une centaine de collectivités d’Ile-de-France, en prononçant l’annulation de l’arrêté du 13 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité et en enjoignant au ministre chargé de l’économie et à la ministre chargée de l’énergie de prendre, dans un délai de trois mois, un nouvel arrêté fixant les tarifs réglementés de vente de l’électricité pour la période comprise entre le 15 août 2009 et 13 août 2010.

Le Conseil d’Etat a tout d’abord reconnu au SIPPEREC son intérêt à agir contre cet arrêté en sa qualité d’autorité concédante au sens de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales.

Il s’est ensuite prononcé sur la légalité interne des trois catégories tarifaires comprises dans les grilles annexées à l’arrêté contesté : les tarifs «bleu», «jaune» et «vert».

S’agissant des tarifs «bleu», le Conseil d’Etat a jugé que les différentes sous-catégories tarifaires opérées par type de client («client domestiques», clients domestiques collectifs et agricoles», «client professionnels et services publics non communaux», etc.) n’ont pas été définies au regard des caractéristiques de consommation de l’électricité, en méconnaissance de l’article 2 du décret n° 2009-975 du 12 août 2009 relatif aux tarifs réglementés de vente de l’électricité.

Autrement dit, les tarifs «bleu» ont été fixés en violation du principe d’égalité de traitement des usagers dès lors que la segmentation tarifaire ne repose pas sur des différences de situation appréciables entre les usagers.

Le Conseil d’Etat a par ailleurs rappelé que les tarifs de l’électricité doivent être fixés dans le strict respect du principe de transparence.

Il a ainsi constaté que l’arrêté du 13 août 2009 ne mentionne pas les critères selon lesquels s’appliquent les tarifs «jaune» et «vert», ni ceux sur le fondement desquels reposent les différentes options et versions prévues pour ces tarifs. Enfin, le Conseil d’Etat a relevé que l’arrêté ne permet pas de savoir par quelle autorité, ni selon quels critères sont définies les heures de pointe et les heures creuses.

Le Conseil d’Etat en a déduit que l’ensemble des grilles tarifaires annexées à l’arrêté du 13 août 2009 est entaché d’illégalité et doit à ce titre être annulé. Il a également considéré qu’il n’y a pas lieu de limiter les effets de cette annulation dans le temps.

En définitive, ce que le Conseil d’Etat a sanctionné dans sa décision du 22 octobre 2012 c’est la méconnaissance de la règle consacrée par le législateur selon laquelle les «tarifs réglementés de vente d’électricité sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures, en fonction des coûts liés à ces fournitures» (1).

On peut se réjouir de ce que le Conseil d’Etat ait entendu rappeler ce principe essentiel à un moment où l’on annonce une hausse probable des tarifs de l’électricité et où les discussions sur la proposition de loi relative à la tarification progressive de l’énergie s’engagent. Cette transparence dans la fixation des tarifs de l’électricité est une condition indispensable pour s’assurer du respect des intérêts des usagers.

(1) Voir l’article 4 II de la loi n° 2010-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, aujourd’hui codifié à l’article L. 337-5 du code de l’énergie.

Cécile Fontaine, Avocate
SCP Seban & Associés »