Intervenant lors d’un colloque consacré aux smart grids (réseaux intelligents, 5ème forum ISA France), Marc Bussiéras, directeur réseau chez ERDF, a plaidé pour un renforcement des investissements sur le réseau de distribution d’électricité.
D’abord, indique-t-il, la gestion des équilibres locaux offre-demande « pèse lourd dans la facture mais a une immense valeur ». Se référant à la gestion de la pointe, il met en avant « le miracle économique du réseau » qu’est le foisonnement, qui permet de répondre à des demandes foncièrement différentes, qui peuvent varier de 1 à 5 selon les périodes. Et les demandes, en outre évoluent, qu’il s’agisse du développement massif des pompes à chaleur, ou de la « livraison sans domicile fixe, une nouveauté » avec l’émergence des véhicules électriques. Energies renouvelables (EnR) et véhicules électriques: le pilotage du système varie considérablement d’un point du territoire à l’autre. Ainsi, sur le poste-source* de Megève, la pointe électrique est à minuit (« il y a des activités nocturnes »). Ici, le photovoltaïque ne pourra donc pas être utilisé en période de pointe. Quant aux véhicules électriques, il faudra les recharger plutôt en journée… « mais RTE me demandera plutôt de faire les recharges la nuit »… A l’inverse, le poste-source de Javel (à Paris) dispose d’un « beau creux nocturne », permettant d’optimiser les recharges de voitures électriques. Autant de situations, donc de contraintes différentes.
Il y aura des « investissements extrêmement conséquents » à prévoir, estime Marc Bussiéras, qui fait part de son « stress aujourd’hui, avec deux grandes composantes: les énergies renouvelables et les véhicules électriques ». S’agissant de ces derniers, l’évocation de « plus d’un million et demi de stations de recharge est un de mes cauchemars », plaisante-t-il, citant les propriétaires de ces voitures rechargeant de manière simultanée, sur « le parking de supermarché le samedi après-midi, puis au bureau en semaine, à Megève le vendredi soir avant de rentrer ou sur la Côte d’Azur à la fin août… » Faudra-t-il construire des capacités pour chacune de ces situations plus ou moins ponctuelles? Cet « instinct grégaire » des consommateurs, il craint de le retrouver chez les producteurs car « tous produiront sur leur toit au même moment ». En termes de production, il observe en outre que l’implantation des éoliennes, souvent éloignées des lieux de vie, oblige à construire des capacités pour accueillir l’électricité produite.
Et de prévenir: « tout cela secouera le réseau ».. Car, si l’une des caractéristiques du réseau en France, c’est d’avoir optimisé sa gestion, avec des bénéfices pour le consommateur (un tarif bas par rapport à d’autres pays en Europe), les marges de manoeuvre sont limitées. « On a besoin de trajectoires d’investissement largement supérieures à ce qu’elles étaient ces dix dernières années, ne serait-ce que pour maintenir ses performances ». Or, « on est dans un système extrêmement contraint du point de vue du consommateur ». Si la gestion de la rareté financière est un des éléments favorisant la logique du smart grid, celui-ci ne pourra pas tout: il faudra « à la fois du smart grid et des capacités ». Et investir dans des réseaux intelligents peut se révéler moins coûteux que de sécuriser le réseau en l’état.
> Marc Bussiéras n’a cependant pas évoqué l’effacement qui contribuera à l’équilibre du système. De même, s’agissant des supermarchés, il faudra s’interroger sur la multiplication des parkings photovoltaïques et, pouruoi pas?, leur rôle pour fidéliser une clientèle d’automobilistes électriques…
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* « Un poste source, c’est environ 35.000 Mw et 15.000 clients domestiques ».