Le discours des voeux de Michel Francony a fait le tour de la planète électrique: le 5 janvier dernier, il annonçait, de manière policée, la séparation des activités communes à ERDF et GRDF: « nous sommes maintenant confrontés à la nécessité de doter GrDF et ERDF, d’organisations et de modes de fonctionnement propres, mieux à même de répondre à des enjeux de plus en plus différents et parfois même contradictoires. Je suis sûr que nous saurons gérer cette transition au mieux des intérêts de nos deux entreprises, dans le respect de nos 45.000 salariés communs, et en maintenant les domaines de coopération utiles et nécessaires » (cf. notre actu du 12 janvier). Rien de tel en revanche, dans celui prononcé par Laurence Hézard lors des voeux du distributeur gazier (cf. notre actu du 1er février dernier): « En 2010, nous allons donc poursuivre notre démarche pour un pilotage plus efficace des activités gazières. Et cela dans le cadre du service commun. Les deux réseaux de distribution électricité et gaz naturel, sont l’un et l’autre au service de la collectivité et des clients. Bien sûr, les métiers et les enjeux sont différents selon l’énergie. Mais profondément les deux réseaux sont complémentaires, et en aucun cas en concurrence ».
Les Echos revient ce matin sur ce divorce plus ou moins annoncé, soulignant à son tour que l’initiative vient du côté des électriciens, la maison-mère EDF n’étant pas étrangère à ce changement de cap: il aurait qualifié « l’organisation actuelle associant EDF et GDF (de) «non-sens» », suscitant évidemment une des « grandes inquiétudes de l’année 2010 », selon les mots de Michel Dupeyron, délégué syndical central CGT d’ERDF. Henri Proglio regarde le calendrier: « avec le renouvellement à venir des concessions des réseaux électriques et gaziers, ce ne seront plus seulement les deux actionnaires d’ERDF et GrDF qui seront en concurrence, mais les distributeurs eux-mêmes ».
Les Echos souligne que, « pour changer le système actuel, le patron de l’électricien devra surmonter l’opposition des syndicats et des élus locaux, très attachés à la mixité des organisations et au respect de leurs obligations de service public. » (nota bene: la FNCCR n’a pas été sollicitée par le quotidien économique sur cette question). Ajoutant que « la loi impose l’existence d’un service commun, rappellent les syndicats ». Et rien de tel ne figure dans le nouveau projet de loi de réforme du marché de l’électricité.
Et, du côté de GRDF, la facture pourrait être lourde: « «GRDF est présent sur la totalité du territoire via ERDF. Si la filiale de GDF Suez doit assurer seule cette couverture, cela lui reviendra beaucoup plus cher», explique Philippe Lèbre, délégué syndical central chez ERDF ».
Et aussi
Les Echos évoque les difficultés rencontrées par Henri Proglio pour se séparer de Michel Francony, à qui il « reproche sa gestion du conflit social, l’an dernier, et ses relations tendues avec les collectivités locales » (cf. notre compte rendu du congrès d’Annecy). « Surtout, il veut donner un nouvel élan à cette entité qu’il estime stratégique et la confier à une fidèle: Michèle Bellon, directeur général adjoint de Dalkia, la filiale commune d’EDF et de son ancienne entreprise Veolia » (cf. notre forum EDF, quel casting?).
Laquelle se préparerait activement selon les confidences récentes d’un cadre d’ERDF à Energie2007: « ça fait deux semaines qu’on lui envoie des dossiers sur la distribution ».
Sans oublier
Les Echos font aussi état de divergences dans les négociations salariales entre les deux distributeurs. « En décembre, GRDF a soumis à la signature des organisations syndicales un accord en solo. «Ils s’étaient mis d’accord en entrant dans les négociations et, soudain, ERDF a demandé à rediscuter», témoigne un syndicaliste. «La direction de GrDF a été surprise par l’attitude de son partenaire et s’est sentie flouée», ajoute un autre. (…) Certains voient dans (cette) volte-face apparente la main d’Henri Proglio, qui souhaiterait proposer un accord plus généreux que son partenaire. Aucune organisation syndicale n’a signé l’accord GrDF ».
> Les taux proposés par GrDF seraient de 37,5% pour les collèges «Exécution» et «Maitrise» et 58,5% pour le collège «Cadre», tandis qu’ERDF aurait proposé des taux de 41% pour les collèges «Exécution» et «Maitrise» et de 61% pour le collège «Cadre». Pour Force ouvrière, « cette situation inédite est très regrettable ».
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Illustration: va-t-il encore falloir changer les autocollants?