Jean-François Mouhot a obtenu le prix 2012 de l’AARHSE dans la catégorie Essais, arts, puiblications, pour son ouvrage Des esclaves énergétiques. L’ouvrage est publié aux éditions Champ Vallon (17 euros).

Nous publions ci-après le texte de Christophe Bouneau, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Bordeaux, directeur de la Maison des sciences de l’homme d’Aquitaine (MSHA), motivant le choix du jury.

Nous publierons prochainement l’allocution d’Hélène Subrémon, autre lauréate, prononcée lors de la réception de son prix dans la catégorie « ouvrages universitaires. »

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« Avec Réflexions sur le changement climatique, Champ Vallon, 2011, Jean-François Mouhot nous offre un essai global voire un traité historique, dans l’acception la plus noble du terme, du concept et de l’exercice. Par l’étude du parallélisme entre la trajectoire de l’esclavagisme et celle de l’énergie thermique ou carbonée il répond pleinement à la volonté de l’AARHSE de couronner par son prix des ouvrages originaux,

– en adoptant une perspective transversale énergéticienne,

– en dépassant le champ strictement historique pour s’inscrire dans la démarche interdisciplinaire des sciences humaines et sociales (un directeur de MSH ne peut que saluer ce positionnement SHS…),

– et en suscitant la réflexion globale, en « provoquant » littéralement le lecteur.

Nous pouvons ainsi inscrire l’essai de Jean-François Mouhot dans la droite ligne de ceux du socio-anthropologue Alain Gras, Le choix du feu. Aux origines de la crise climatique, Fayard, 2007, 286 p. et du politiste Timothy Mitchell, Petrocratia. La démocratie à l’âge du carbone, Editions Ere, 2011, 113 p.

Jean-François Mouhot est Docteur en Histoire de l’Institut Universitaire de Florence et est chargé de recherche à l’Université Georgetown (Washington D.C.) et à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (Paris). Il a étudié et enseigné l’histoire et la géographie en France, en Grande-Bretagne, au Canada, en Irlande, aux Etats-Unis et en Italie (Institut Universitaire Européen) et s’intéresse de longue date aux problèmes environnementaux et énergétiques. Il vient de commencer en 2011 un projet financé par la Commission européenne portant sur l’histoire environnementale d’Haïti (1492-aujourd’hui).

Avec une préface de Jean-Marc Jancovici, stimulante comme toujours, l’essai explore les liens historiques et les similarités entre esclavage et utilisation contemporaine des énergies fossiles et montre comment l’histoire peut nous aider à lutter contre le changement climatique. Il décrit d’abord le rôle moteur de la traite dans l’industrialisation au xviiie siècle en Grande-Bretagne, puis explique comment l’abolition de l’esclavage peut être pensée en lien avec l’industrialisation. En multipliant les bras «virtuels», les nouveaux esclaves énergétiques que sont les machines ont en effet progressivement rendu moins nécessaire le recours au travail forcé. L’ouvrage explore ensuite les similarités troublantes entre l’utilisation des énergies fossiles aujourd’hui et l’emploi de la main-d’œuvre servile hier, et les méthodes utilisées par les abolitionnistes pour parvenir à faire interdire la traite et l’esclavage. Ces méthodes peuvent encore inspirer aujourd’hui l’action politique pour décarboner la société.

Après des recherches sur les Acadiens (des colons d’origine française déportés d’Amérique du Nord et réfugiés en France au XVIIIe siècle), JFM a passé cinq années (2006-2011) comme chargé de recherches à l’Université de Birmingham où il a travaillé sur l’histoire des Organisations Non-Gouvernementales (ONG). Deux livres en collaboration en sont issus :

– Matthew Hilton, Nick Crowson, Jean-François Mouhot, James McKay, A Historical Guide to Ngos in Britain: Charities, Civil Society and the Voluntary Sector since 1945, Palgrave, 2012.

– Matthew Hilton, Nick Crowson, James McKay, Jean-François Mouhot, The Politics of Expertise: How NGOs Shaped Modern Britain, Oxford, Oxford University Press, à paraître début 2013.

« Parallèlement à mes recherches récentes, la menace climatique et le problème de l’épuisement des ressources m’ont incité à écrire plusieurs textes où je montre en quoi l’histoire peut nous aider à mieux comprendre des problèmes qui semblent très contemporains. Les éditions Champ Vallon ont ainsi publié dans leur collection ‘L’environnement a une histoire’ mon livre Des Esclaves Energétiques. Réflexions sur le changement climatique (voir site dédié ou encore ma tribune dans Le Monde “Et nos enfants nous appeleront ‘barbares’, 28 Novembre 2011) dans lequel je montre comment l’utilisation des énergies fossiles et la révolution industrielle ont contribué à l’abolition de l’esclavage. Dans ce livre, je dresse également un parallèle entre notre utilisation, aujourd’hui, de machines et l’utilisation d’esclaves bien vivants à l’époque moderne et au XIXe siècle. Je m’intéresse aussi aux « leçons » qu’on peut tirer de l’histoire de l’abolition de l’esclavage, leçons qui peuvent s’avérer utiles aujourd’hui (voir l’article paru dans Le Monde à l’occasion du Sommet de Cancun). Ma comparaison est provocatrice, mais je serai heureux si elle peut stimuler des débats et faire avancer la prise de conscience de l’importance des enjeux énergétiques et climatiques. Avant d’être un livre, ce texte a été publié en anglais dans l’une des principales revues consacrées au changement climatique, Climatic Change, sous le titre ‘Past connections and present similarities in slave-ownership and fossil fuel usage’. »

Dans cette perspective d’histoire environnementale Jean-François Mouhot mène des travaux avec l’historien Charles François Mathis.

– Charles-François Mathis et Jean-François Mouhot (éditeurs), Une protection de l’environnement à la Française (XIXe-XXe siècles) ? Champ Vallon, à paraître en 2013.

– Numéro spécial de revue : Jean-François Mouhot, et Charles-François Mathis, eds., Ecologie & Politique, « Penser L’écologie en France Au XXe Siècle ». Paris, Presses de Sciences Po, Mars 2012. »