Décidément, les territoires et la transition énergétique sont sources d’inspiration pour les think tanks. Après le modèle préconisé par la Fondation Jean Jaurès, voici que la Fabrique de écologique, fondée par Géraud Guibert après son départ du ministère de l’Ecologie, leur consacre sa première publication: « Les territoires au cœur de la transition énergétique – Pour un modèle français de décentralisation énergétique », est consultable en ligne. Une table-ronde sur ce sujet est organisée ce 5 novembre 2013, à 18h.
Mardi 5 novembre soirée de lancement de La fabrique Ecologique; table ronde sur la décentralisation énergétique http://t.co/xnUqhV2cPM
— Géraud Guibert (@geraudguibert) October 31, 2013
Que dit cette note?
La Fabrique écologique distingue « des aspects qui doivent rester centralisés, en particulier la sécurité et la gestion des réseaux » et ceux qui ont vocation à être gérés localement, c’est-à-dire la « production d’énergie. » Observant que le débat national sur la transition énergétique (DNTE) n’a guère abordé ces questions sinon en se contentant des sujets consensuels, la Fabrique préconise une « nécessaire simplification règlementaire » assortie de la définition d’un « nouveau modèle français de gouvernance nationale et locale pour la maîtrise de l’énergie et les énergies décentralisées. »
Ici, ce sont les régions qui seraient chefs de file, assumant le rôle « d’autorités organisatrices des énergies décentralisées », compétence déléguée le cas échéant « à quelques autorités locales, compétentes sur un territoire assez vaste, urbain et rural » (coucou les syndicats intercommunaux d’énergie?). La fabrique évoque la création « de sociétés régionales (et locales) d’énergie » qui auraient « un rôle opérationnel pour le développement des énergies décentralisées, le financement des investissements pour en assurer la distribution » et seraient éventuellement un « guichet unique d’aide aux particuliers. » Ces sociétés pourraient coordonner des groupements de commandes pour les organismes publics, voire les particuliers (coucou l’UFC Que choisir).
Il y aurait de facto « un nouveau partage de responsabilité en matière de distribution des énergies à réseau, en particulier d’électricité. Les sociétés régionales (et locales) d’énergie auraient la responsabilité de l’adaptation des réseaux de distribution correspondant au développement des énergies décentralisées. L’opérateur historique serait chargé du socle du réseau, en zone urbaine comme rurale, et, sur le modèle de la SNCF pour les TER, d’agir pour le compte des autorités organisatrices. »
Pour le financement, le document évoque des « ressources substantielles, notamment par la réaffectation de taxes existantes, et de coûts de fonctionnement réduits. »
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Extraits
« La complexité se retrouve aussi pour les autorités organisatrices de distribution d’électricité. Bien que leur regroupement ait été encouragé, leur situation est encore fragmentée. Plusieurs syndicats sont certes dorénavant à l’échelle départementale, mais il y a encore plus de 700 autorités concédantes, dont plus de 500 communales. La diminution du nombre d’interlocuteurs est certes non négligeable mais le mouvement est loin d’être achevé et a tendance à se ralentir.
Un des principaux freins à ce nécessaire regroupement se situe dans la différence de traitement entre les communes rurales et urbaines. Celles-ci n’ont pas l’impression de rencontrer des problématiques de natures comparables et, souvent, ne souhaitent pas se fondre dans un syndicat qui gommerait ces différences. Certaines grandes communes ou agglomérations tiennent en outre à préserver leur indépendance. De fait, seuls 55 départements possèdent un syndicat unique sur leur territoire. »
« L’objectif est de donner un cadre cohérent à la coopération inter-territoriale, en surmontant le clivage entre les réseaux d’acteurs existant. La nouvelle organisation énergétique du territoire serait ainsi fondée sur quelques autorités locales organisatrices des énergies décentralisées, en nombre réduit et avec une maille assurant une solidarité et une complémentarité entre l’urbain et le rural. Ceci permettra, sans contraindre mais en rationalisant, de constituer de manière pragmatique des structures opérationnelles dans les principaux bassins de vie. »
« Certaines autorités organisatrices de distribution d’électricité ont d’ores et déjà commencé à développer une compétence plus générale en matière énergétiques via leurs syndicats mixtes. C’est le cas par exemple pour la production d’électricité via des sources renouvelables (ex : Haute-Savoie, Landes, Vienne), le bois-énergie (Creuse) ou la géothermie (un des domaines d’intervention du SIPPEREC à la périphérie de Paris).
Ces autorités ont évidemment vocation à devenir autorités organisatrices locales des énergies décentralisées, en s’appuyant notamment sur les syndicats existant. »
« Les SRE – SLE seront les opérateurs des économies d’énergies et des énergies décentralisées. Comme d’autres entreprises pour le gaz, le pétrole ou l’électricité, elles seront chargées de la «production» de dispositifs décentralisés d’énergie et de contribuer directement ou indirectement à leur développement.
Leur première mission sera d’intervenir financièrement pour la maîtrise de l’énergie et des énergies renouvelables, par des incitations, des prises de participation, des prêts et des garanties. »
« Leur deuxième mission sera la mise en oeuvre d’un nouveau schéma de responsabilité en matière de distribution. ErDF sera dorénavant totalement responsable, en zone urbaine comme rurale, du socle d’investissement nécessaire pour le réseau existant. Il bénéficierait à cet égard des financements correspondants et se verrait fixé des objectifs de maitrise des coûts correspondant à sa situation. Une trajectoire d’investissement pourrait d’ailleurs être fixée par les pouvoirs publics, déclinée par régions sur la base d’objectifs nationaux harmonisés de qualité.
Les SRE – SLE seront, quant à elles, responsables des investissements sur le réseau ou des solutions de stockage correspondant au développement des énergies décentralisées qu’elles souhaitent et est planifié dans le cadre du SRCAE. Ce sont les SRE – SLE qui, dans ce contexte auront à déterminer, au-delà du socle et pour le territoire régional, les conditions du raccordement
au réseau des énergies décentralisées et le niveau souhaitable de qualité à atteindre. Des objectifs plus ambitieux de qualité ou découlant d’une politique particulière (d’enfouissement par exemple) pourront être arrêtés par les collectivités territoriales.
Cette prise en charge pourra bien sûr s’opérer techniquement via une convention avec ErDF, sur le modèle de ce qui se fait avec la SNCF pour les TER. »
« Les investissements financièrement pris en charge par le distributeur et les SRE-SLE seront coordonnés au sein d’une programmation pluriannuelle, facilitée par la présence d’ErDF à leur capital et leur conseil d’administration. »
« Une troisième mission pourrait consister à regrouper les consommations d’énergie des organismes publics locaux (collectivités locales pour leurs besoins propres, établissements scolaires et universitaires, transports publics, …) pour leur obtenir de meilleures conditions de prix et de qualité de fourniture auprès des fournisseurs d’énergie. Un service équivalent pourrait être proposé aux petits consommateurs domestiques ou professionnels. »
« Une quatrième mission pourra être pour la SRE-SLE de constituer le guichet unique de l’énergie, que chacun appelle de ses voeux afin de lutter contre la précarité énergétique et de mieux informer sur la maîtrise de l’énergie. »