Smart grids et compteurs intelligents: sur ce thème, un petit déjeuner BIP-Enerpresse confrontait ce mardi 22 juin les approches d’ERDF, d’IBM, de Logica et de la CRE.
Revenant sur le projet Linky, Pierre Mallet, directeur adjoint réseau d’ERDF, a estimé que « l’expérimentation aujourd’hui se passe bien. Il y a 45.000 compteurs posés, on en pose 1.500 par jour et le calendrier sera tenu » avec « 300.000 compteurs posés à la fin de l’année ». Un questionnaire de satisfaction est déposé et 11% des clients y répondent, dont 95% se disent satisfaits. « On ne veut pas se précipiter pour donner des conclusions trop rapides », poursuit-il. Que permettent ces compteurs? « Parmi les bénéfices clients, il y a d’abord la relève sans dérangement. Aujourd’hui, 50% des compteurs sont non accessibles, chez le client, ce qui suppose un rendez-vous. « On fait deux relèves par an, l’une d’entre elles pouvant être faite par auto-relevé. Avec Linky, on n’obligera plus le client à se mobiliser pour permettre la relève du compteur ». Les factures seront faites sur l’index réellement relevé.
Au-delà, « le compteur communicant est un formidable outil au service de la maîtrise de la demande d’électricité, la plupart des experts au niveau mondial les estimant à 10 ou 15% de la facture ». Linky va capter des données qui pourront être mises à disposition du client, via un écran ou un site web. Ces informations vont permettre aux clients de faire évoluer leurs modes de consommation ».Le compteur offre aussi la possibilité de « mettre en place des tarifs plus adaptés, plus variés ». Cela va permettre à ERDF de « moderniser son métier traditionnel de gestionnaire de réseau, avec par exemple, une connaissance plus précise des charges du réseau ». Mais aussi des alertes pour détecter « une panne qui s’approche ». L’infrastructure de communication de Linky accélèrera la « phase de recherche de défaut » et, en conséquence, la « ré-alimentation du client ». Aujourd’hui, sur le réseau basse tension, une « panne est détectée lorsque le client téléphone: avec Linky, on saura localiser cette panne ».
« A la CRE, on a préféré le terme de compteur évolué ou de système de comptage évolué », précise Emmanuel Rodriguez, commissaire à la CRE. « Ca ne s’est pas fait seulement dans un dialogue associant ERDF et la CRE mais dans un dialogue global » (groupe de travail dédié, étude de Cap Gemini). La CRE doit préparer un projet de décret en Conseil d’Etat, précisant notamment les modalités financières du projet: « ce décret est actuellement entre les mains de l’administration ».
Outre la fluidité du marché et les gains de productivité, la CRE a souhaité un système qui favorise l’interopérabilité, un système souple, indique Emmanuel Rodriguez. Soulignant que l’évaluation se fera sur six points (cf. communication de la CRE de février 2010), il précise que ce ne sera pas le seul critère d’appréciation. Elle sera complétée par une approche socio-économique. « Si on juge que c’est trop cher, on pourra éventuellement dire non à ce projet. Le projet Linky répond-il aux attentes des consommateurs? Permet-il un comptage évolué à un coût supportable? » Il faudra aussi « se poser la question d’un certain nombre de ménages qui ne pourraient pas se payer les box des fournisseurs »
Le projet initial a été « impacté par le Grenelle », observe-t-il. Le système de comptage doit contribuer à la maîtrise de la demande mais ne le fera pas directement ». Sur les coûts, la réponse est évasive: « Il est impossible de dire aujourd’hui avec précision combien cela va coûter. C’est un des objectifs de l’expérimentation, la pose intervenant dans 50% du coût du projet » Et laCRE exercera son droit de regard: « Si on nous a annoncé 4 milliards et que c’est bien 4 milliards mais qu’il manque des fonctionnalités, la CRE sera sans doute réticente à valider cette expérimentation ». Il met ensuite en garde les différentes parties prenantes: « le pas d’enregistrement de la courbe de charge, s’il est à 30 minutes, 10 minutes ou à la seconde… Ca a un impact sur le coût. Plus il y a de demandes des acteurs en termes de fonctionnalité, plus le coût progresse. Ce sera un des éléments d’arbitrage ».
Enfin, il mentionne les atouts de Linky en termes de pilotage du réseau (connaissance des creux de tension, coupures), ce qui permettra de mieux orienter les investissements.
Interrogé sur les « pertes non techniques », le commissaire observe qu’il y a parfois des décalages entre la puissance souscrite et les besoins réels (« des clients ont du 6 KVA et des installations qui vont jusqu’à 9… ») et qu’il faudra sans doute qu’ils s’acquittent d’un abonnement plus élevé.
Interrogé sur le coût global du dispositif pour le consommateur, Emmanuel Rodriguez souligne que « la CRE ne peut prendre en compte que les coûts liés au GRD. Ca ne veut pas dire qu’il ne faut pas les mettre sur la table ». Ces questions doivent être posées, « à la CRE c’est vrai, mais aussi aux fournisseurs ». Quant au coût de mise à niveau des installations intérieures, « ça n’entre ni dans les missions de la CRE ni celles d’ERDF. C’est un sujet qui a déjà été souvent débattu au conseil national de la consommation ». La CRE devra se déterminer sur les coûts du projet tels que supportés par ERDF. En termes de calendriers, il observe « qu’il y a déjà du retard. Mais on s’est donné le temps pour avoir une période complète, hiver inclus ».
Interrogé sur le fait de savoir si, comme en Italie, une partie du financement pouvait être liée à la réduction des pertes non techniques (« En France, ça pourrait être pareil. Dans quelle mesure, ce chiffre d’affaires supplémentaire pour ERDF pourrait-il contribuer au financement du projet? »); Pierre Mallet rappelle que la « rémunération d’ERDF, c’est le tarif d’acheminement ». Quant à Emmanuel Rodriguez, il souligne que « les pertes sont dans le CRCP. Ca ira donc soit dans les investissements, soit dans une baisse du Turpe ».