Une fois n’est pas coutume, c’est d’eau que nous parlons aujourd’hui en publiant ci-après un communiqué de la FNCCR (éditrice de ce site) sur le prix de l’eau.

« Services publics d’eau potable et d’assainissement : la FNCCR appelle à ne pas mesurer la performance uniquement par le prix

Dans son numéro de novembre 2013, Que Choisir publie un article sur le prix de l’eau très bien documenté et dont les conclusions sont plus nuancées que dans son précédent dossier d’octobre 2007. La FNCCR déplore cependant un choix méthodologique qui manque de vision globale et conduit à présenter un « palmarès » discutable.

Plusieurs éléments sont soulignés avec raison par Que Choisir :
– Les contrats de délégation anciens mettent presque toujours des prix élevés à la charge des usagers. Cependant, la plupart des contrats conclus depuis trois ou quatre ans ont permis aux collectivités d’obtenir des tarifs beaucoup plus raisonnables. Ceci démontre que la délégation du service à un opérateur privé n’est pas automatiquement plus chère que la régie si la collectivité joue pleinement son rôle. A ce titre, l’option du retour en régie est toujours à envisager lorsque la concurrence entre les opérateurs privés ne parait pas suffisante ;
– La plupart des régies pratiquent des tarifs parmi les plus faibles. Certaines se situent dans le groupe tarifs les plus élevés. Il n’y a donc pas de lien automatique entre le mode de gestion – privé ou public – et le niveau de prix ;
– Les redevances fixées par les agences de l’eau varient entre 10 et 25 % du montant global de la facture d’eau, et contribuent ainsi à la disparité des tarifs payés par les consommateurs. Il y a un écart supérieur à 60 %, représentant plus de 0,30 €/m3 sur la facture de chaque consommateur, entre les barèmes des redevances des différentes agences de l’eau. Or, ces redevances servent de moins en moins à financer les investissements des services d’eau et d’assainissement, car la priorité des agences de l’eau est de plus en plus tournée vers l’amélioration du milieu naturel.

Néanmoins, la démarche de Que Choisir présente également des défauts :
– D’abord elle tend à accréditer implicitement l’idée simpliste que les collectivités affichant les tarifs les plus bas sont nécessairement les plus vertueuses dans la gestion des services publics d’eau et d’assainissement. Ce n’est pas toujours vrai. Un faible tarif peut provenir d’un sous-investissement chronique. Dans ce cas, les consommateurs profiteront pendant quelques années d’une sorte de « cadeau empoisonné » car ce n’est pas durable et, tôt ou tard, il faudra soit réinvestir (avec de très fortes augmentations tarifaires), soit accepter une dégradation du fonctionnement du service.
– Les calculs et raisonnements de Que Choisir sont basés uniquement sur une consommation annuelle de 120 m3 par an pour un abonné direct au service d’eau potable, ce qui ignore deux faits importants :
> La consommation annuelle normale d’un ménage moyen de 2 ou 3 personnes est de l’ordre de 50 à 70 m3 (soit environ la moitié de 120 m3) ;
> beaucoup de ménages habitent en immeuble collectif sans être abonnés directement au service d’eau potable, et l’eau leur est donc refacturée (souvent de façon invisible) par le gestionnaire de l’immeuble à un prix majoré par rapport à celui du service public d’eau potable.

Le prix réel payé par le consommateur est donc presque toujours différent du prix pour 120 m3 par an présenté dans l’article de Que Choisir. On obtiendrait un classement nettement différent des villes en les comparant sur la base du prix pour 60 m3 par an par exemple. En effet, il est assez fréquent que la ville A, moins chère que la ville B pour 120 m3 par an, soit plus chère que cette même ville B pour 60 m3 par an, car les tarifs sont basés sur des formules qui peuvent être complètement différentes, progressives ou dégressives. Le classement établi par Que Choisir a donc une valeur très relative, et on ne peut qu’émettre des réserves sur ses conclusions fondées sur ce classement.

Enfin, l’article de Que Choisir présente le mode de gestion (public ou privé) comme le principal facteur explicatif du niveau de prix, alors qu’il existe d’autres déterminants tout aussi, voire plus importants :
– le caractère urbain ou rural du service (les coûts correspondant au réseau sont très différents),
– l’état de vétusté des installations,
– la qualité de la ressource en eau utilisée,
– l’endettement résultant des investissements réalisés dans le passé, etc.

En ignorant ces divers facteurs, le classement ne peut donc pas servir pour désigner les meilleurs services d’eau potable et d’assainissement, ou les plus mauvais.

La FNCCR rappelle que seule une analyse multi-facteurs, examinant les différents aspects de la gestion d’un service public d’eau potable ou d’assainissement (gouvernance, gestion patrimoniale, gestion financière, relations avec les abonnés, prise en compte de l’environnement,…) peut permettre de porter un jugement sur les services des différentes collectivités. La FNCCR a engagé une telle démarche avec des collectivités volontaires, dont les résultats sont disponibles sur son site Internet.

Les collectivités assument une mission délicate en organisant, sur l’ensemble du territoire national, la distribution de l’eau potable et l’assainissement des eaux usées dans un contexte économique actuellement difficile (baisse des consommations d’eau, augmentation des factures impayées,…). Elles méritent d’être jugées sur un ensemble de critères plus objectifs que la seule facture pour 120 m3 annuels présentée dans l’article de Que Choisir. »

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