Dans une décision en date du 9 octobre, le Conseil d’Etat a rejeté le recours en annulation de Voltalis visant « la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 20 octobre 2011 approuvant les modalités de l’appel d’offres organisé par le gestionnaire du réseau public de transport (RTE) pour mettre en oeuvre des capacités d’effacements additionnels. »

Nous reproduisons ci-après cette décision.

Pour les fans, voir notre actu du 2 octobre 2013: Conseil d’Etat, l’autre régulateur de l’énergie, qui recense les multiples décisions de la plus haute des juridictions relatives au secteur de l’énergie.

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« Lecture du mercredi 9 octobre 2013

Vu la requête, enregistrée le 19 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par la société Voltalis, dont le siège est 10 rue Lincoln à Paris (75008) ; la société Voltalis demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 20 octobre 2011 approuvant les modalités de l’appel d’offres organisé par le gestionnaire du réseau public de transport (RTE) pour mettre en oeuvre des capacités d’effacements additionnels ;

2°) de mettre à la charge de la Commission de régulation de l’énergie la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 septembre 2013, présentée par la société Voltalis ;

Vu le code de l’énergie ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Marie Deligne, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité :  » A titre transitoire, afin de contribuer à la sécurité d’approvisionnement, notamment pendant les périodes de pointe de consommation, et pour l’application du troisième alinéa du III de l’article 15 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, le gestionnaire du réseau public de transport organise un appel d’offres selon des modalités, notamment s’agissant des volumes, des prix fixes et des prix variables, approuvées par la Commission de régulation de l’énergie, pour mettre en oeuvre des capacités d’effacement additionnelles sur une durée de trois ans. (…)  » ; qu’aux termes du troisième alinéa du III de l’article 15 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, désormais codifiées à l’article L. 321-12 du code de l’énergie :  » Le gestionnaire du réseau public de transport peut conclure des contrats de réservation de puissance avec les consommateurs raccordés au réseau public de transport ou aux réseaux publics de distribution, lorsque leurs capacités d’effacement de consommation sont de nature à renforcer la sûreté du système électrique, notamment dans les périodes de surconsommation. Les coûts associés sont répartis entre les utilisateurs de ces réseaux et les responsables d’équilibre dans le cadre du règlement des écarts. Lorsqu’il décide de solliciter l’activation d’un contrat de réservation de puissance conclu en vertu du présent alinéa, le gestionnaire du réseau public de transport informe les gestionnaires des réseaux publics de distribution concernés.  » ;

Sur la légalité externe :

2. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la société Voltalis, la circonstance que la délibération du 20 octobre 2011 de la Commission de régulation de l’énergie approuvant les modalités de l’appel d’offres organisé par la société RTE en application de l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010 précitée n’ait pas été, en méconnaissance des prescriptions du 5° de l’article L. 134-1 du code de l’énergie, publiée au Journal Officiel est par elle-même sans incidence sur la légalité de cette délibération ;

3. Considérant, en second lieu, qu’aucune disposition de l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010 ni aucun autre texte n’impose à la Commission de régulation de l’énergie de publier en annexe de la délibération attaquée les modalités de l’appel d’offre dont elle a été saisie par la société RTE ;

Sur la légalité interne :

4. Considérant que la délibération attaquée approuve les modalités de l’appel d’offres définies par la société RTE prévoyant notamment, au point 3.1.1 du cahier des charges, que les soumissionnaires s’engagent à fournir, dans le cadre du mécanisme d’ajustement, une puissance effaçable constante garantie tout au long de l’année d’un montant, en vertu du point 3.1.2, au moins égale à 10 MW ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010, éclairé par les travaux préparatoires de cette loi, que ses dispositions ont pour objet d’encourager, à titre transitoire, le développement de capacités d’effacement en général, et non uniquement l’effacement dit  » diffus  » ; qu’il résulte également des termes mêmes de cet article que ses dispositions ont pour objet de renforcer la sécurité d’approvisionnement en électricité pendant l’ensemble de l’année ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la société requérante, les dispositions de l’article 7 n’ont pas pour objet principal ou prioritaire le développement de l’effacement diffus lors des pointes hivernales ; que dès lors, en approuvant les modalités d’un appel d’offres qui vise au développement de l’effacement en général et non du seul effacement diffus, en exigeant en particulier une capacité d’effacement constante sur l’année et d’un niveau que les opérateurs d’effacement diffus ne seraient pas, selon les dires de la société requérante, nécessairement en mesure de respecter compte tenu de leurs modalités actuelles de fonctionnement, la Commission de régulation de l’énergie n’a méconnu ni les dispositions de l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010 ni celles de l’article L. 321-12 du code de l’énergie et n’a, en tout état de cause, pas entaché sa délibération de contradiction de motifs ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que s’il ressort des pièces du dossier que les modalités de l’appel d’offre imposant l’engagement de fournir une puissance constante sur l’année d’un montant au moins égal à 10 MW ne favorisent pas le développement de l’effacement diffus dont le potentiel d’effacement est aujourd’hui plus important en hiver qu’en été du fait des choix opérés par les opérateurs concernés dans les sources de consommation effacées, ces modalités ne font pas, par elles-mêmes, obstacle à la soumission d’une offre par la société Voltalis ; qu’en outre, il ne résulte d’aucun texte ni d’aucun principe que la société RTE ait l’obligation, lorsqu’elle met en oeuvre les dispositions de l’article 7 de la loi du 7 décembre 2010, de segmenter l’appel d’offres en plusieurs périodes temporelles ; qu’il suit de là que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que les modalités de l’appel d’offres approuvé par la Commission de régulation de l’énergie auraient présenté un caractère discriminatoire visant à exclure les opérateurs d’effacement diffus ;

7. Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 420-2 du code de commerce :  » Est prohibée, dans les conditions prévues à l’article L. 420-1, l’exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d’entreprises d’une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées. (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 321-10 du code de l’énergie :  » Le gestionnaire du réseau public de transport assure à tout instant l’équilibre des flux d’électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l’efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci. Il veille également au respect des règles relatives à l’interconnexion des différents réseaux nationaux de transport d’électricité. / A cette fin, le gestionnaire du réseau public de transport peut modifier les programmes d’appel mentionnés à l’article L. 321-9. Sous réserve des contraintes techniques du réseau et des obligations de sûreté, de sécurité et de qualité du service public de l’électricité, ces modifications tiennent compte de l’ordre de préséance économique entre les propositions d’ajustement qui lui sont soumises. Les critères de choix sont objectifs et non discriminatoires. Ils sont publiés.  » ;

8. Considérant qu’il résulte de ces dernières dispositions que la société RTE est chargée par la loi de garantir l’équilibre des flux d’électricité sur le réseau ; que l’acte attaqué ne saurait, par lui-même, placer la société RTE dans une situation contraire aux dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce ; que, dès lors le moyen tiré de ce qu’en approuvant les modalités de l’appel d’offres en litige, la Commission de régulation d’énergie aurait méconnu ces dispositions ne peut qu’être écarté ;

9. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Voltalis n’est pas fondée à demander l’annulation de la délibération attaquée ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la Commission de régulation de l’énergie, c’est-à-dire de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, par ailleurs, il résulte de ces dispositions que, si une personne publique qui n’a pas eu recours au ministère d’avocat peut néanmoins demander au juge l’application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l’occasion de l’instance, elle ne saurait se borner à faire état d’un surcroît de travail de ses services et doit faire état précisément des frais qu’elle aurait exposés pour défendre à l’instance ; qu’en l’espèce, les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 par la Commission de régulation de l’énergie, qui se prévaut des ressources qu’elle a dû mobiliser, sans d’ailleurs en faire état avec précision, ne peuvent qu’être rejetées ;

Décide:
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Article 1er : La requête de la société Voltalis est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Commission de régulation de l’énergie au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Voltalis et à la Commission de régulation de l’énergie. »