Le Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale a publié un rapport (commission de l’Environnement, de la conservation de la nature, de la politique de l’eau et de l’énergie) consacré à « l’éventuelle mise en place de compteurs intelligents. »

Ce rapport fait suite à la position réservée de ce même parlement qui avait adopté en juillet 2012 une résolution dans laquelle les élus bruxellois entendaient examiner le déploiement de tels compteurs « sur la base des études coûts/bénéfices réalisées, prenant en compte les spécificités de son marché de l’énergie, les impacts sociaux et environnementaux, le respect de la protection de la vie privée. »

Maurice Bohet, chef du service Politique des marchésde l’énergie et efficacité énergétique de Bruxelles Environnement, dresse un constat sans appel: « les bénéfices sociaux sont réduits ou potentiels, alors qu’il y a des difficultés et des pertes réelles. Les économies d’énergie sont très limitées, de même que les gains environnementaux. Enfin, l’analyse coûts-bénéfices est négative pour le client final résidentiel. »

De même, Luc Hujoel, directeur général de Sibelga, fait état d’une étude donnant « elle aussi des résultats négatifs. Il n’est donc pas indiqué, selon le gestionnaire du réseau de distribution, de procéder à un déploiement rapide et généralisé des compteurs intelligents. » Le distributeur ne voit pas de rentabilité, si ce n’est en appliquant une « logique de niches. » Pour Sibelga, « le déploiement accéléré et généralisé n’est rentable ni économiquement, ni socialement, et le dispositif des compteurs intelligents n’est pas encore arrivé à maturité. »

Pour Marie-Pierre Fauconnier, présidente de Brugel, c’est le consommateur résidentiel qui pâtirait le plus d’un éventuel déploiement. Il devrait « supporter massivement le coût de l’introduction des compteurs intelligents. Comme il consomme peu, le gain potentiel lié au nouveau compteur intelligent en matière d’effi cacité énergétique s’avère moindre que pour les autres types de consommateurs. Or, le coût de l’installation du compteur est un coût unitaire. »

En revanche, Jan Herremans, directeur général de la Fédération belge des Entreprises électriques et gazières (FEBEG) considère que le comptage intelligent et les réseaux intelligents s’inscrivent dans l’évolution du marché, au bénéfice des clients. Ils comportent trois grands types d’avantages: l’amélioration du fonctionnement du marché, l’intégration des énergies renouvelables et la gestion active de la demande. »

Enfin, Claude Adriaenssens, de la Coordination Gaz-Electricité-Eau Bruxelles (CGEE), observe que « le débat sur l’introduction de compteurs intelligents est loin d’être clôturé. » A ses yeux, « des groupes de consommateurs tels que les industriels pourront néanmoins y trouver un avantage. »

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Extraits de l’exposé de Maurice Bohet

Opérations à distance
« Les opérations qui peuvent s’effectuer à distance (ouverture-fermeture des compteurs et reprise des données de consommation) offrent un avantage économique en raison du taux élevé de rotation des logements observé à Bruxelles. En 2007, 106.000 et 56.000 mouvements ont été enregistrésr espectivement intra-muros, donc au sein de la Région, et extra-muros, en dehors de la Région. Il y aurait une diminution des coûts pour ces opérations. »

Précarité
« Les clients résidentiels en situation précaire ont souvent d’autres préoccupations que la consommation d’énergie. Ils ont des diffi cultés à comprendre le marché de l’énergie et leur pouvoir de négociation est très réduit. »

Economies d’énergie
« Quelles économies d’énergie peut-on espérer ? Les estimations
varient majoritairement entre 0 et 7 %. D’après l’étude de Capgemini commandée par Brugel, la moyenne pondérée a été estimée à 4,6 % pour l’électricité et à 4,9 % pour le gaz. Les résultats dépendent de la consommation de départ et des groupes sociaux, et il faut inclure la consommation propre du compteur intelligent, qui varie de 8,76 à 26,28 kWh/an. Certains retours d’expérience montrent que les économies d’énergie sont limitées dans le temps. La diminution des émissions polluantes telles que les gaz à effet de serre s’avère elle aussi limitée, car la réduction des déplacements du gestionnaire de réseau aura un effet marginal. Si l’on prend un consommateur moyen qui consomme 3.500 kWh d’électricité par an (moyenne d’Eurostat), on peut estimer qu’une réduction de la consommation de 5 % – ce qui est déjà optimiste – induirait une réduction de 166,24 kWh par an si le compteur a une puissance de 1 Watt et une réduction de 148 kWh par an si le compteur a une puissance de 3 Watts. C’est très peu. »

Recyclage
« Actuellement, la durée de vie d’un compteur de gaz est de trente ans et celle d’un compteur d’électricité est de quarante-cinq ans. La question de l’élimination et du recyclage des composantes électroniques des compteurs va se poser plus fréquemment, étant donné que la durée de vie d’un compteur intelligent est estimée à quinze ans. En outre, certaines omposantes de ces compteurs ont une durée de vie inférieure (sept ou huit ans pour les modules de communication). La directive 2002/96/CE relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques est d’application pour le recyclage et l’élimination des composantes de ces compteurs. »

Coûts/bénéfices
« Enfin, l’étude a permis de réaliser une analyse coûts bénéfices centrée sur le client fi nal, fondée sur deux hypothèses de départ : le déploiement complet de compteurs d’électricité et de gaz dans l’année de l’investissement, et ce uniquement pour les clients résidentiels. Les effets favorables sont évalués à + 182.889.042 euros et les effets défavorables sont estimés à – 253.427.489 euros, ce qui donne un résultat de – 70.538.447 euros. Les gains économiques signifi catifs visent en premier lieu les économies liées au suivi automatique de certaines opérations, et en second lieu les économies d’énergie. Les autres avantages sont plus marginaux. Les coûts signifi catifs visent en premier lieu le surcoût des compteurs intelligents et en second lieu les coûts d’installation. »

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Extraits de l’exposé de Luc Hujoel

Déploiement
« L’analyse de rentabilité (« business case »), réalisée avec l’aide d’une société de consultance, a été axée sur ce qui est au coeur de la logique européenne, c’est-à-dire le déploiement universel et rapide de compteurs intelligents (dans les cinq ans pour l’électricité) (…). On constate que plus le scénario est rapide et généralisé, moins il est rentable. En effet, le scénario généralisé vise également le petit consommateur, dont l’adaptation au marché est moins rapide et a de toute façon moins d’impact. Si on accélère le processus de déploiement, il faudra revoir tout le stock des compteurs existants durant les cinq premières années, ce qui a des répercussions fi nancières très importantes. Sur la base des données actuelles, le déploiement des compteurs intelligents ne s’avère positif dans aucun des scénarios. Seul le projet ReMI est rentable. Il vise, en trois phases successives sur une période de six ans qui devrait s’achever vers 2017-2018, à télérelever une vingtaine de milliers de clients qui sont essentiellement des clients professionnels et des chaufferies d’immeubles à appartements. Le réseau domestique est donc très limité. Il ne s’agit pas de compteurs intelligents puisqu’ils sont télémesurés mais non téléopérables. Les actions rentables – ou à tout le moins pas trop déficitaires – ne pourront être atteintes qu’en segmentant la clientèle (logique de niches). »