La Cour des comptes a rendu public un nouveau rapport consacré à la gestion des activités sociales des industries électriques et gazières (Caisse centrale des activités sociales, EDF et GDF Suez) et ce rapport, critique, fait état d’une « situation aggravée ».

Nous publions ci-après la conclusion de ce document.

« Le rapport public thématique d’avril 2007 concluait à la nécessité
de réformer en profondeur les institutions sociales du personnel des
industries électriques et gazières et le cadre juridique des activités dont elles assuraient la gestion. A ce titre, la Cour avait émis trente-quatre recommandations dont la mise en œuvre appelait, pour la plupart d’entre elles, l’ouverture de négociations entre l’Etat, les fédérations d’employeurs des IEG et les organisations représentatives des salariés.

En 2010, la Cour a examiné dans quelle mesure ses recommandations avaient été suivies d’effet à un moment où la création de la CAMIEG a substantiellement réduit le périmètre d’activité des institutions sociales du personnel des IEG.

Au terme de ce nouvel examen, le bilan de la mise en œuvre des trente-quatre recommandations émises en 2007 est particulièrement décevant.

Pour la plupart d’entre elles, ces recommandations n’ont pas été mises en oeuvre en raison de l’inaction de chacun des acteurs concernés, l’Etat, les fédérations d’employeurs et les organisations représentatives des salariés.

Les sept recommandations concernant la transformation du cadre juridique et du financement des prestations en nature d’assurance maladie et maternité n’ont, pour l’essentiel, pas été mises en oeuvre. De ce fait, comme l’a déjà souligné la Cour dans son rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale publié en septembre 2010 («L’organisation de la protection sociale dans les IEG», édition 2010, page 231.), les ruptures d’égalité au détriment de la collectivité nationale, liées notamment à l’insuffisance des cotisations sociales à la charge des employeurs des IEG, n’ont aucunement été corrigées.

Par ailleurs, les vingt-cinq recommandations qui visaient à simplifier l’organisation des institutions, à améliorer les modes de gestion des activités sociales et à mettre un terme aux nombreux dysfonctionnements et irrégularités constatés n’ont, pour la plupart, pas non plus été mises en œuvre.

La diminution significative du nombre de CMCAS témoigne, certes, d’un effort pour réorganiser la carte des institutions sociales mais elle n’a pas été faite de manière rationnelle et elle a été contrebalancée par la multiplication des structures régionales au niveau de la CCAS (23 territoires et 82 antennes locales en 2010 contre 10 directions régionales et 31 secteurs opérationnels en 2004). Par ailleurs, dans le champ de la sécurité sociale, s’y est ajoutée la création d’un réseau spécifique à la CAMIEG (17 antennes prévues) et ce, pour une population de 550.000 assurés, qui correspond à l’effectif d’une caisse primaire d’assurance maladie de taille moyenne.

Il en découle que le nombre d’emplois permanents que les institutions sociales souhaitent mobiliser pour assurer la gestion des activités sociales et des prestations en nature d’assurance maladie, loin d’être stabilisé ou de diminuer entre 2004 et 2010, a augmenté de plus de 8 % durant cette période (2.925 emplois en 2010 contre 2.611 en 2004).

Si l’ensemble de ces postes étaient effectivement pourvus, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, cette réforme, dont la mise en oeuvre est inégale sur l’ensemble du territoire, aurait pour conséquence une nette progression des frais de gestion, soit l’effet inverse à celui qui était attendu.

En outre, la modification de l’organisation et l’élargissement du champ de compétences des institutions nationales et de leur réseau déconcentré n’a pas simplifié l’organisation au niveau local. Cette réforme n’a, en outre, pas encore entraîné de modification tangible des modes de décision et de gestion. La gestion des institutions sociales demeure peu économe, peu transparente et peu contrôlée en interne comme en externe.

En particulier, les lacunes de la gestion de la CCAS ont entrainé des dépenses mal choisies et mal contrôlées et, in fine, un déficit d’exploitation en 2009. La création et le soutien à de multiples sociétés civiles immobilières ont, par ailleurs, conduit à l’éparpillement de la trésorerie de la caisse centrale au profit des opérateurs du tourisme social et au détriment des électriciens et gaziers. Enfin, le rachat de la CIAT a épuisé les liquidités disponibles fin 2009, sans que les électriciens et gaziers puissent espérer retirer, tout au moins à court terme, un bénéfice de cet investissement coûteux.

Compte tenu de la situation financière de la CCAS, la Cour considère que les profonds changements qu’elle recommandait il y a quatre ans doivent désormais être mis en oeuvre au plus vite.

Enfin, les deux recommandations portant sur le principal mode de financement des institutions sociales (le prélèvement de 1 % sur les recettes liées à l’électricité et au gaz) n’ont pas été suivies d’effet. Ce mode de financement demeure à la fois opaque, mal appliqué et inadapté à l’organisation du marché de l’énergie depuis l’ouverture de ce dernier à la concurrence.

L’Etat, qui a affiché ouvertement en juin 2010 son intention de modifier le financement et la gouvernance des institutions sociales du personnel des IEG, doit désormais fixer une date pour l’ouverture des consultations avec les employeurs et les organisations représentatives du personnel sur ces sujets.

Ces négociations doivent avoir pour but de rapprocher le droit des institutions sociales des IEG des dispositions du droit du travail,
notamment sur les modalités de financement et sur la participation des employeurs à leurs instances délibérantes.

Mais le succès de ces négociations dépend aussi de l’implication des employeurs, qui n’ont fait preuve jusqu’à présent d’aucune initiative pour veiller à la régularité et à l’efficacité de l’emploi des sommes qu’ils versent aux institutions sociales.

__________________ Recommandations _________________

L’Etat, les fédérations syndicales des salariés et les fédérations
d’employeurs doivent travailler de concert à :
– transposer aux institutions sociales les dispositions du droit du travail applicables aux comités d’entreprise ;
– asseoir le financement des institutions sociales désormais sur la masse salariale de toutes les entreprises de la branche des industries
électriques et gazières dont les salariés relèvent du statut national du
personnel, et non plus sur le chiffre d’affaires des ventes d’électricité et de gaz.

Par ailleurs, il incombe aux institutions sociales de :
– réduire drastiquement leur réseau territorial (CMCAS, SLV, réseau déconcentré de la CCAS) pour diminuer le poids des frais de structure, et en particulier les dépenses de personnel ;
– supprimer l’IFOREP ;
– mettre un terme aux dépenses éloignées de l’objet même des institutions sociales, notamment celles destinées à soutenir les opérateurs du tourisme social, et soumettre l’ensemble de la gestion à des procédures plus rigoureuses ;
– mettre en place un plan de redressement pluriannuel des finances de la CCAS. »

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En annexe, la Cour signale que, sur les 34 recommandations qu’elle avait formulées dans son rapport public d’avril 2007, une seule a été intégralement suivie d’effet (recommandation n° 6 : faire coïncider avec l’année civile la période budgétaire et comptable des institutions sociales), onze ont été partiellement mises en œuvre, vingt-deux recommandations ne l’ont pas été.

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On consultera également (pp. 104- 190) les réponses des ministères et organismes concernés:
– Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement (105);
-Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie (106);
– Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat, Porte-parole du Gouvernement (107);
– Ministre du travail, de l’emploi et de la santé et Ministre des solidarités et de la cohésion sociale (108);
– Président de la caisse centrale d’actions sociales – CCAS – et président du comité de coordination des caisses mutuelles complémentaires et d’action sociale – CMCAS (111);
– Réponse du président de l’institut de formation de recherche et de promotion – IFOREP – (167);
– Directeur de la caisse d’assurance maladie des industries électriques et gazières (172);
– Président de l’union française de l’électricité et du président de l’union nationale des employeurs des industries gazières (174);
– Président directeur général d’électricité de France (180);
– Président du directoire, président directeur général de la compagnie nationale du Rhône (188);
– L’administrateur du GIE Vacances Loisirs Activ’ (189).