Pendant des décennies, poteaux électriques, de télécommunications et traverses de chemin de fer ont été traités à la créosote, un produit cancérigène, ou aux CCA (cuivre, chrome, arsenic…). Une fois déclarés hors services, ces bois étaient donnés, le plus souvent revendus, à des particuliers ou des entreprises. On en retrouve un peu partout, observe Jacky Bonnemains, président de l’association Robin des bois, mobilisée sur ce sujet depuis quatre ans: « On a observé que les bois traités s’immiscent de plus en plus les jardins, les terrasses, autour des piscines… Et pas seulement les traverses! On a aussi constaté que des cheminots avaient récupéré à leur retraite ces traverses pour en faire des linteaux… Et des architectes les intégraient dans des maisons ». De telles réutilisations conduisent à des aberrations avec « des potagers biologiques entourés de bois traités à la créosote! Cela crée des pollutions très localisées mais fortes… »
L’association plaide pour une « une élimination correcte, durable et, si possible, utile » de ces déchets dangereux. La signature d’une convention ad hoc par le Meeddm, la FNCCR, Robin des Bois, RFF, ERDF et France Télécom, ce 15 juillet, devrait y contribuer.
> Cliquez ici pour consulter la charte d’engagement volontaire relative à la réutilisation et à l’élimination des poteaux et des traverses en bois traités à la créosote et aux CCA.
> Cliquez ici pour consulter le communiqué de la FNCCR.
Chantal Jouanno, secrétaire d’Etat à l’Ecologie (photo), a rappelé que la gestion des déchets avait constitué « un des débats les plus houleux et complexes du Grenelle », soulignant qu’il existait « certains déchets dont la gestion méritait des traitements particuliers, notamment ces fameux bois traités à la créosote ». Faisant état de quelque 80.000 tonnes par an de « bois traités avec des produits classés cancérigènes de niveaux 1 ou 2 », déplorant « la revente possible aux particuliers », permise par une directive européenne, elle a indiqué que le Meeddm avait opté pour « l’engagement volontaire » avec les signataires de la charte. « La loi Grenelle nous impose aujourd’hui 190 décrets… Si on peut passer par l’engagement volontaire, c’est tant mieux! »…
Hubert du Mesnil, PDG de Réseau ferré de France a fait état d’à « peu près 50.000 tonnes par an qu’il faut éliminer… Les traverses sont des objets très populaires et que nous n’avions aucune difficulté à éliminer… Tout le monde y trouvait son compte. Nous avons arrêté la vente aux particuliers et professionnels depuis un an ». RFF doit donc aujourd’hui trouver des solutions: et Hubert du Mesnil estime qu’il « faut développer une filière industrielle (qui) pour l’instant n’existe pas ou très peu ». C’est une « course de vitesse », compte-tenu de cet engagement, d’autant plus que RFF ne fait pas abstraction de ses « préoccupations économiques » et que la filière industrielle, par la recherche, doit parvenir à « faire cela au moindre coût. L’enjeu est de développer la recherche pour utiliser le bois dans les traverses à l’avenir (…) dans des conditions également favorables d’un point de vue écologique ». Le coût de transport doit aussi être pris en compte et il faudra des « lieux de traitement répartis sur le territoire ».
Jean-Pierre Bel, directeur adjoint d’ERDF, a indiqué que les « poteaux bois qui sont déposés » par le gestionnaire du réseau de distribution sont « en partie incinérés », même si l’entreprise « se heurte à la difficulté de l’absence d’une filière d’incinération: on fait appel à des cimentiers ». Se déclarant prêt à s’associer à la création d’une filière, il a indiqué qu’ERDF dépensait un million d’euros par an poutr ces poteaux. Mais « la politique d’ERDF est d’enfouir les réseaux (…) et cette problématique des poteaux s’efface peu à peu », a-t-il conclu.
A France Télécom, Marc Fossier, directeur exécutif responsabilité sociale d’entreprise, a fait état d’un « parc de 12 millions de poteaux dont 1,5 million de poteaux inspectés chaque année et parfois déposés. Un poteau qui s’effondre pose des problèmes de sécurité », indique-t-il.De ce parc sont extraits chaque année 12.000 tonnes de bois traité, soit quelque 300.000 poteaux, pour un coût d’élimination « de plus d’un million d’euros par an ». Des poteaux qui conservent de la créosote, du goudron de houille, de l’arsenic… L’opérateur de télécommunications a cependant cessé de vendre ses poteaux « dès les années 2000 », mettant en place une filière d’élimination, les bois étant « broyés, puis brûlés dans une cimenterie dans l’Isère – et on est en train de passer à deux. La filière existe, mais il faut la développer. »
Interrogé sur les recettes générées par la revente des traverses, Hubert du Mesnil est resté évasif: « cela se faisait de manière complètement diffuse… » tandis que Marc Fossier a affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une « activité lucrative ». Sur les coûts d’élimination, le PDG de RFF les a estimé à « 6 euros par traverse ».
La créosote est toujours utilisée pour les nouvelles traverses: « des programmes de recherche sont en cours pour trouver des traitements de substitution garantissant aux traverses une durée de vie de 30 à 40 ans. Mais la créosote de 2010, bien moins concentrée en produits cancérigènes, n’a rien à voir avec celle de 1970! »
Nathalie Fontrel, journaliste à France Inter, ayant fait état de trois anciens poteaux dans son jardin, la question du sort des vieux poteaux et traverses stockés chez les particuliers reste posée. Jacky Bonnemains lui a conseillé de « prendre contact avec la cimenterie de l’Isère, ça va te revenir à 200 ou 300 euros la tonne, plus le coût du transport! » Chantal Jouanno a constaté qu’il n’était pas possible de « traiter le stock existant chez les particuliers, faute de traçabilité… Mais on peut mettre en garde, informer… » L’association Robin des Bois conseille aux particuliers, dans le cas – rare – où ils ont « une facture d’une jardinerie, d’un grossiste » et qu’ils n’ont pas été informés de la dangerosité du produit, « de se retourner vers ce revendeur ».
Surtout, surtout, il met en garde cintre les « dangers de la combustion et des incendies de stockage » car il y a, partout, des traverses « le long des voies »… A éviter dans les barbecues…
Les chiffres
80.000 tonnes de bois traités par an à recycler dont:
– RFF: 50.000 tonnes (800.000 poteaux par an).
– France Télécom: 12.000 tonnes pour 300.000 poteaux pour un « coût de plus d’un million d’euros par an ».
– 2.000 à 3.000 tonnes de poteaux déposés par les autorités organisatrices de la distribution publique d’électricité (AOD).
– 1.000 à 1.500 tonnes de poteaux déposés par ERDF.
Et après?
« Il faudra qu’on s’intéresse aussi à la RATP, même s’il y a moins de traverses » a estimé Jacky Bonnemains.
A télécharger sur le site du Meeddm:
Les dossiers des signataires.
Le dossier de presse.