Nous reproduisons ci-après le compte rendu de la table-ronde consacrée aux « entreprises locales de distribution d’énergie: quel statut et quelle taille en régime de concurrence? », débat organisé lors du congrès de la FNCCR à Annecy, le 24 septembre.

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Le modèle des entreprises locales d’énergie est un modèle d’avenir

Outre la problématique liée à la réforme des collectivités, la transposition en droit français (loi du 9 août 2004) des directives européennes relatives à l’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité et de gaz conduit les entreprises locales de distribution d’énergie à de nécessaires adaptations.
Comme l’a expliqué Gert de Block (secrétaire général de la CEDEC), la séparation fonctionnelle, puis juridique des activités, entre la gestion des réseaux de distribution d’électricité ou de gaz d’une part et la fourniture d’énergie d’autre part, fait l’objet d’une exemption pour les gestionnaires de réseaux desservant moins de 100.000 clients…
Le risque majeur étant que, dans les évolutions étudiées par la commission européenne (projets de notes interprétatives des directives), cette exemption soit vidée de son contenu… mettant en péril l’équilibre économique des petites structures historiques qui, bien avant la nationalisation et la création d’EDF en 1946, avaient structuré des missions de service public au niveau local.
Mais ce n’est pas aujourd’hui le seul problème, puisque ces petites structures historiques seraient également en partie menacées par l’ouverture à la concurrence si elles ne bénéficiaient plus de tarifs de cession leur permettant d’équilibrer financièrement leurs activités.
Or les évolutions actuelles liées au Grenelle de l’environnement et aux besoins de «relocalisation» des énergies plaident, tout au contraire, pour le maintien des structures locales et leur développement.

Rapport Champsaur : satisfaction et inquiétudes
Quels que soient leur taille, leur structure et leur territoire, les entreprises locales de distribution estiment en effet que le service rendu aux collectivités, comme aux consommateurs peut encore se développer, grâce à l’émergence de nouvelles activités. Ce que confirment, par divers exemples, Jean-François Michon (directeur général d’Energie Services Belledonne), Olivier Charnoz (directeur de la Régie du Syndicat électrique intercommunal du Pays chartrain) ou Jérôme Safar (premier adjoint au maire de Grenoble et Président de Gaz Electricité de Grenoble, GEG). Sont ici évoqués plusieurs domaines d’intervention, qu’il s’agisse du développement de réseaux en gaz propane, de production et distribution de chaleur bois, de développement du photovoltaïque ou de la biomasse. Dans le Pays Chartrain, on souligne la pertinence du savoir faire dans le numérique tandis qu’à Belledonne on évoque le développement de la régie d’eau. Sans oublier la coopération avec d’autres structures pour l’achat de matériels ou pour l’informatique, ou encore la coopération avec des services de recherche et un développement qui se situe hors du territoire historique (cas de Gaz Electricité de Grenoble)…
Dans tous les cas pour les collectivités, les regroupements ont permis des réductions de coûts de structures et plus d’opérationnalité dans la construction des offres. Dans un contexte concurrentiel, pour tous, il faut que la mise en œuvre du rapport Champsaur prévoie de conserver la possibilité de mutualiser les portefeuilles de clientèle.
Seulement voilà, les évolutions en cours relatives à l’élargissement de la concurrence peuvent parfois menacer les structures mises en place, justement en application de la loi de 2004. Cela a été le cas, par exemple pour Alterna, marque de commercialisation créée en 2005 par Sorégies et qui regroupe une vingtaine de sociétés comme l’expliquait Jean-Pierre Viou qui fut à l’origine de sa création. En effet en 2007, la mise en place d’un Tarif réglementé transitoire d’ajustement au marché (Tartam), a donné un coup d’arrêt au développement de la marque… La suppression du Tartam en 2010, comme le préconise le rapport Champsaur, serait très positive.
En fait, comme l’a souligné Jean-Pierre Viou, tout au long de leur histoire les Entreprises locales de distribution ont su s’adapter, lorsque le cadre législatif leur en donnait la possibilité.
Ce que semblait confirmer Pierre Fontaine (Sous directeur des systèmes électriques et énergies renouvelables, Direction de l’énergie et du climat du ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat / en vidéo) qui assurait les élus du soutien du gouvernement dans la protection des entreprises locales de distribution d’énergie.
C’était aussi la conclusion de Jean-Paul Aamoudry. Il faut, expliquait-il, plaider de manière forte et concertée pour conforter nos régies en tant qu’opérateurs de service public local, avec comme objectif la protection du consommateur, faisant ainsi écho aux propos de Jérôme Safar (GEG). Et pour parvenir à cet objectif, il faut militer pour le maintien d’un système de tarif de cession ou d’un dispositif analogue destiné à pérenniser les entreprises locales en leur permettant d’assurer leurs missions et leur développement.

Une motion approuvée à l’unanimité
En fin de table ronde, le sénateur AMOUDRY a proposé à l’approbation de la salle une motion qui résume la problématique et les dangers relevés par les élus, qui a été adoptée à l’unanimité :
« Réunies en congrès le 24 septembre 2009, les Autorités organisatrices et leurs entreprises publiques locales d’énergie, considérant :
– La nécessité d’assurer un niveau très élevé de protection des consommateurs dans le contexte du renforcement de l’ouverture à la concurrence des systèmes électrique et gazier ;
– Le fait que le service public de fourniture d’électricité et de gaz au tarif réglementé de vente concourt directement à cette protection en garantissant l’application d’un cahier des charges ou d’un règlement de service respectueux de principes d’égalité et de qualité, ainsi que le contrôle par les autorités organisatrices de la bonne application de ces principes :
– La nécessité de préserver l’équilibre économique et financier des entreprises publiques locales d’énergie qui assurent ce service public sur leur territoire :
– Que cette préservation passe notamment par le respect d’une égalité de traitement avec les opérateurs privés du marché ;
• Demandent :
– Que le service public local de fourniture au tarif réglementé de vente soit préservé et renforcé ;
– Que les entreprises publiques locales d’énergie continuent à bénéficier de conditions d’achat tenant compte de leurs missions de service public et garantissant leur équilibre financier ;
– Que la fourniture aux consommateurs particuliers, sur la base des tarifs réglementés de vente, s’inscrive exclusivement dans le cadre des délégations ou des régies de service public de fourniture.
« 

Avec la rédaction d’Enviscope.com.

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La table ronde était présidée par Jean-Paul AMOUDRY, Sénateur de la Haute-Savoie, Président du Syndicat d’électricité, des énergies et d’équipement de la Haute-Savoie, Vice-président de la FNCCR.

Intervenants : M. Gert de BLOCK, Secrétaire Général de la CEDEC ; M. Olivier CHARNOZ, Directeur de la Régie du Syndicat électrique du Pays Chartrain ; M. Jean-François MICHON, Directeur Général d’Énergie Services de Belledonne ; M. Jérôme SAFAR, Premier Adjoint au Maire de Grenoble, Président de Gaz Electricité de Grenoble (GEG) ; M. Jean-Pierre VIOU, Président du Directoire de SOREGIES Réseaux de Distribution, Président d’Entreprises locales d’énergie (ELE) ; M. Pierre FONTAINE, Sous-directeur des systèmes électriques et énergies renouvelables, Direction de l’énergie et du climat du ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat (en vidéo).

Animation : Valéry LARAMEE DE TANNENBERG, journaliste.