Après une intervention remarquée lors du colloque du Sipperec en juin dernier (cf. notre actu du 6 juillet), le professeur Philippe Terneyre approfondit son analyse des concessions locales de distribution et de fourniture d’électricité, dans un article publié par AJDA Hebdo, la très sérieuse revue de l’actualité juridique du droit administratif. On est assez loin des pages people de Points de vue mais le texte devrait cependant être abondamment photocopié dans les semaines qui viennent. Philippe Terneyre s’y étonne en effet de la durée des contrats de concession*, à l’image de celle conclue par la ville de Paris pour… 55 ans, qui expire le 31 décembre 2009: «à la différence des autres catégories de concession de service public, ces durées n’ont en fait jamais été justifiées, car il a toujours été acquis qu’elles ne pouvaient être renouvelées qu’en faveur du concessionnaire titulaire, à savoir EDF». Pour le professeur de droit, rien ne s’oppose à une dénonciation avant terme de ces contrats, cette faculté étant «une règle générale applicable aux contrats administratifs», sous réserve d’indemniser le concessionnaire.
Dans cette optique, il plaide pour des renouvellements de contrats d’une durée plus courte, après mise en concurrence : «confier en 2009/2010 à EDF sans publicité ni mise en concurrence cette activité de fourniture pour une très longue durée pourrait apparaitre, sinon suspect, du moins maladroit pour l’autorité concédante ainsi privée à court terme des bienfaits d’offres concurrentielles sur ce segment». Autre élément plaidant pour une durée moins longue des contrats, celui des obligations réciproques des parties. Pour Philippe Terneyre, «dans la mesure où la quasi-totalité des investissements (en milieu rural) est assurée par l’autorité concédante (la concession s’apparentant alors à un affermage)», ERDF ne s’acquitte pas assez de ces obligations. Coupler la distribution et la fourniture impliquerait de facto une durée réduite des contrats de concession.
Dès lors comment réattribuer ces contrats ? L’auteur rappelle que le «législateur communautaire (souhaite) remettre les choses à plat fréquemment en ce qui concerne le marché de la distribution d’électricité (qui a vocation à être un jour concurrentiel à la différence de celui du transport soumis à des contraintes techniques et stratégiques), en fonction de considérations d’efficacité et d’équilibre économique». En ne procédant à aucune mise en concurrence, la France manquerait à ses obligations européennes, dans la mesure où «selon une jurisprudence communautaire désormais constante de la Cour de justice des communautés européennes – tout récemment reprise par le Conseil d’Etat-, les contrats à objet économique que se proposent de conclure les pouvoirs adjudicateurs en Europe pour satisfaire à leurs besoins (marchés publics, conventions de délégations de service public, contrats de partenariat lato sensu…) ne doivent jamais conduire à ce que soient violées les règles fondamentales du traité CE, au nombre desquelles figure le principe de non-discrimination en raison de la nationalité». A ce titre, Philippe Terneyre estime que la loi de février 2000 ne «semble pas conforme au traité CE».
En conclusion, l’auteur observe que le statu-quo, même s’il semble souhaité par la plupart des acteurs, n’est plus «juridiquement tenable».
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* L’auteur déplore également le morcellement des concessions (il y en a 1.200 aujourd’hui), estime qu’un regroupement intercommunal s’impose pour y mettre fin (ce qui est déjà le cas dans la plupart des départements).