Avec l’aimable autorisation d’Enerpresse (groupe Moniteur), nous reproduisons ci-après l’analyse faite par le quotidien de l’énergie (n° 9811) du rapport de la Commission Champsaur.
« Pour améliorer l’efficacité du marché électrique, la Commission Champsaur préconise de supprimer certains tarifs régulés, d’ouvrir l’accès à la production nucléaire. Le tout sous une surveillance renforcée du régulateur.
Malgré les bonnes performances de son opérateur historique, le marché français de l’électricité va mal. Le poids d’EDF et le cadre tarifaire sont tels que «la main invisible» a bien du mal à jouer son rôle. Selon ErDF, 913 770 clients particuliers ont changé de fournisseur depuis le 1er juillet 2007 (cf. Enerpresse n°9809). Il est urgent de mieux faire. Car, lassée de voir Paris monter de nouvelles lignes Maginot sur lesquelles se brisent les ardeurs des énergéticiens étrangers, Bruxelles a ouvert deux procédures, pour la mise en oeuvre de la directive 2003/54 et pour le Tartam. La situation devient intenable. D’autant que la vie dans l’Hexagone électrique n’est plus un long fleuve tranquille. Des besoins en capacités nouvelles de production se font sentir. Et EDF, très engagée à l’étranger, ne peut tout assumer. D’un autre côté, ses concurrents ne sont pas très chauds pour entrer dans un marché où la production de base est majoritairement assurée par le nucléaire : «une structure durablement non concurrentielle». Dès lors, comment optimiser la concurrence, sans toucher aux bénéfices générés par le mix énergétique national, tout en incitant les clients à se convertir au mieux-consommer ?
La quadrature du cercle
C’est la résolution de la quadrature du cercle que le gouvernement demande à une commission d’experts, coordonnée par le président de l’Autorité de régulation des communications électriques et des postes, Paul Champsaur. Compte tenu du contexte économique et de l’adoption du 3e «Paquet libéralisation» (cf. Enerpresse n°9809), les membres de la Commission Champsaur n’ont pas marché mais véritablement randonné sur des oeufs. Car, comment réduire le carcan d’EDF, sans faire exploser les prix et les émissions de CO2, tout en créant une économie permettant de sécuriser l’approvisionnement à long terme ? Pas simple. Qu’importe, tel Alexandre devant le noeud Gordien, l’aréopage a (presque) choisi la simplicité. Après un petit semestre réflexion, il formule une demi-douzaine de recommandations.
Exit le Tartam
Pour commencer, il préconise d’ouvrir la concurrence en amont. En clair, «d’attribuer à tout fournisseur un droit d’accès à l’électricité de base à un prix régulé reflétant les conditions économiques du parc nucléaire historique pour un volume proportionné à son portefeuille de clientèle sur le territoire national.» Voilà relooké le concept de la VPP. Mais, patience, voilà du mieux. Consciente des limites du régulateur, la Commission préconise aussi qu’EDF mette en place une «comptabilité séparée et auditée pour le parc nucléaire historique», ce qui facilitera «le calcul du juste prix des contrats régulés. » Ce n’est pas l’unbundling patrimonial,mais c’est un début. Un début appelé à durer. Certes, le but de l’opération est bien de «placer sur un pied d’égalité tous les fournisseurs d’électricité», pour obtenir à terme «un fonctionnement concurrentiel et efficace du marché de l’électricité, incitant les acteurs à investir dans de nouvelles capacités de production.» Mais, rappelle la Commission, «l’intervention transitoire» pourra s’étendre sur «une dizaine d’années.» Le temps que l’ASN décide de l’avenir des tranches nucléaires d’EDF. L’aval n’a pas été oublié. Les électro-intensifs vont devoir se résoudre à voir disparaître leurs tarifs préférés.
«Les tarifs réglementés de vente aux consommateurs industriels (verts et une partie des jaunes) et le Tartam n’apparaissent plus nécessaires dès lors que la régulation à l’amont et la concurrence permettront de garantir aux consommateurs industriels l’accès à une électricité reflétant la compétitivité du parc de production». Une meilleure surprise attend les particuliers. La Commission préconise, pour les petits consommateurs, le maintien des tarifs réglementés.Mais pas à n’importe quelle condition : «le niveau de ces tarifs doit être tel qu’il permette à la concurrence d’élaborer des offres compétitives» ; «les consommateurs devront pouvoir aller et venir sans contrainte des offres réglementées aux offres libres et réciproquement» ; «tous les fournisseurs pourront proposer les offres aux tarifs réglementés». Reste à savoir si le marché à la sauce Champsaur délivrera des signaux prix cohérents pour que les clients français commencent enfin à réduire leur intensité électrique ? Pour le moment, rien n’est moins sûr ».
Valéry Laramée de Tannenberg