Choc des cultures, crise économique, polémique sur les bonus et parachutes dorés…: la révélation par Médiapart du montant des stock-options attribuées (cf. notre forum du 21 janvier dernier) à Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, et Jean-François Ciremlli, vice-président, a ravivé les tensions au sein du groupe, d’autant plus facilement que cette annonce survient dans un contexte salarial tendu: au 1er janvier 2009, la progression des salaiaires s’est établie à 0,8%, alors que les syndicats espéraient obtenir une augmentation de 2,5%.
Aussi, le versement de 1,13 million de stock-options aux deux principaux dirigeants de GDF Suez, pour un montant estimé par Médiapart à 10,5 millions d’euros (7,7 millions pour Gérard Mestrallet et 2,8 pour Jean-François Cirelli), prend-il aujourd’hui un caractère quasiment explosif. La CGT, qui estime que la direction « traîne des pieds » dans les négociations salariales, a appelé hier, 25 mars, les salariés des terminaux méthaniers de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) à une grève reconductible à compter de 21 heures. Les employés réclament une augmentation de salaire de 7,5 % et une prime de 1.500 euros. D’autres mouvements sont signalés, notamment les salariés de Storengy (centres de stockage souterrain du gaz) qui sont en grève depuis le 19 mars.
Interrogé par l’AFP, un porte-parole de GDF-Suez a fait remarquer que « personne ne peut dire combien vont valoir ces stock-options. Pour l’instant, ils ne valent rien, car le cours de l’action est inférieur au prix d’exercice ». Les stock-options sont en effet exerçables à partir de 2012, au cours de 32,75 euros par titre, soit plus que le cours actuel de l’action (27,46 euros, ce jeudi 26 mars, vers 10h30).

Et après?
Les dirigeants de GDF Suez pourront-ils conserver leurs stock-options? Comme l’Etat français est premier actionnaire du groupe, à hauteur de 35,7 %, il a son mot à dire. Mardi 24 mars, Nicolas Sarkozy indiquait qu’il ne devrait pas y avoir « de parachutes dorés, de bonus, de distribution d’actions gratuites ou de stock-options dans une entreprise qui reçoit une aide de l’État, qui met en oeuvre un plan social d’ampleur ou qui recourt massivement au chômage partiel ». Aucun de ces critères ne concerne GDF Suez, qui verse des dividendes à ses actionnaires, Etat compris, et embauche.
Mais l’enjeu est devenu politique. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP, a annoncé ce matin que le gouvernement prendrait une décision avant mardi prochain, afin d’encadrer les rémunérations des patrons, sur « une base réglementaire ». Et il aussi évoqué « un deuxième sujet pour le plus long terme, (…) le partage de la richesse (…). Dans les entreprises où les salaires augmentent de l’ordre de 4%, et qu’au même moment la rémunération des patrons augmente de 57% dans le CAC-40: il y a de l’injustice, il ne faut pas qu’il y ait une captation par un petit nombre des profits ». Annonçant des propositions concrètes et un texte en juin, Frédéric Lefebvre a estimé que le cas de GDF-Suez correspondait « exactement (au) cas de figure sur lequel on va légiférer en juin (…) Notre objectif, c’est d’essayer de trouver un certain nombre de mécanismes pour que la rémunération variable, en fonction de la performance de l’entreprise, permette à tous les salariés et pas simplement aux patrons de récupérer une partie de ces profits ».
En revanche, Patrick Devedjian, ministre en charge de la Relance, ne trouve « pas choquant » les bonus accordés aux dirigeants du groupe GDF-Suez . « C’est une rémunération très confortable. Cela dit, l’Etat n’a pas mis d’argent, et c’est une entreprise qui en gagne, et qui embauche ».