Dans son rapport annuel 2015, la Cour des comptes brosse un portrait mitigé de l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité, « notamment en raison de la rigidité des prix. »

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La Cour constate que l’ouverture reste « très partielle » et qu’EDF demeure « prédominant », notamment pour les particuliers et les petites entreprises: « mi 2014, moins de 6,7 % de leur consommation était couverte par des offres de marché. »

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Elle fustige une « évolution chaotique de la réglementation, marquée par une forte instabilité législative » (accumulation de lois, souvent des transpositions tardives de directives européennes, multiplication des contentieux – qui ont fait du Conseil d’Etat un régulateur bis, ça c’est une NDLR), l’impact négatif sur le négoce des « dispositifs réglementés » et demande aux acteurs soumis à la régulation de « s’inscrire dans une démarche plus volontariste. »

Certaines conclusions sont cependant tempérées par l’actualité, notamment lorsque la Cour se penche sur le dossier de l’ARENH: sa mise en œuvre « au troisième trimestre 2011 s’est accompagnée d’une chute de 67 % des volumes négociés à six mois et à un an. Il soustrait donc du marché des volumes importants. » C’était vrai alors mais l’année 2014 a changé la donne avec des prix de marché en forte baisse, conduisant les fournisseurs à demander à peine un tiers puis 15% (10% si l’on retire les achats des GRD pour pertes) à chaque guichet.

Ainsi, contrairement à ce que dit le rapport, la majorité des fournisseurs alternatifs ne se trouvent pas « aujourd’hui de fait en situation de dépendance vis-à-vis du dispositif. » Mais il n’est pas exclu que le marché se retourne et que l’ARENH reprenne un rôle plus structurant.

Il n est de même que la situation concurrentielle, qui sera profondément impactée par la fin des TRV jaunes et verts à la fin 2015 (le rapport l’indique, son constat a donc une valeur de photographie).

En revanche, sa conclusion sur la production est limpide : « des pans entiers de la production échappent au marché : les énergies renouvelables, à travers l’obligation d’achat, le nucléaire, par le mécanisme de l’ARENH, ou l’hydroélectricité, dont les concessions tardent à être renouvelées. »

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Boum
Comme chaque année, la Cour décerne ses bons points (à personne) et ses bonnets d’âne (à tout le monde).

ERDF trop lié à sa maman EDF

« La Cour recommande d’accroître encore l’indépendance d’ERDF par rapport à sa maison mère en renforçant les pouvoirs de son directoire, en développant son autonomie de fonctionnement et en mettant fin à toute pratique amenant à confondre les images des deux entreprises.

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Régulation

On notera que la CRE et le MNE en prennent aussi pour leur grade…

CRE
« Une meilleure coopération entre la CRE et l’Autorité de la concurrence serait opportune. En effet, la CRE n’a jusqu’à présent procédé qu’à huit demandes d’avis et à une saisine pour pratique anticoncurrentielle, qui a d’ailleurs abouti à une sanction pour abus de position dominante. L’importance des questions de concurrence dans le secteur énergétique justifierait une intensification des échanges entre les deux institutions. « 

La CRE a jusqu’à présent adoptée une « démarche prudente (qui) pouvait se justifier par une difficulté juridique. Les procédures ont été modifiées par la loi du 15 avril 2013, qui a également doté la CRE de pouvoirs spécifiques de sanction des abus de marché sur les marchés de l’énergie.
La CRE doit donc désormais exercer la plénitude des pouvoirs de sanction dont l’a dotée le législateur. Ce faisant, elle rejoindrait la pratique des autres régulateurs européens : entre 2010 et 2013, les régulateurs allemands, britanniques, italiens et polonais ont régulièrement appliqué des sanctions pouvant atteindre des millions d’euros, avec un maximum de 8,5 M€ pour l’OFGEM britannique. »

MNE
« La faible visibilité du médiateur (son taux de notoriété était de 23 % en 2013) et sa pratique de la médiation (refus de toute coopération avec les médiateurs d’EDF et GDF Suez) n’aident guère les consommateurs dans leurs démarches. Il en va de même de l’importance des demandes jugées irrecevables : 76 % en 2013. »

Et toc
Dans sa réponse, le MNE « ne souscrit pas aux conclusions de la Cour lui attribuant la responsabilité principale (du) faible niveau d’information » des consommateurs sur l’ouverture des marchés, soulignant que ses « actions sont bien sûr perfectibles, mais elles ne sauraient se substituer aux actions de communication des pouvoirs publics et des fournisseurs concernés, qui consacrent, s’agissant de ces derniers, des budgets plusieurs centaines de fois supérieurs à ceux dont le médiateur dispose. » 

« S’agissant du prétendu refus de collaboration avec les
médiateurs d’EDF et de GDF Suez, il vaudrait mieux analyser les textes fondateurs respectifs et surtout l’attitude des uns et des autres. Ceci valant d’ailleurs pour le passé et n’augurant pas de l’avenir. »

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Production

Hydraulique

« La mise en concurrence des concessions est une occasion unique d’ouvrir le segment de la production alors que l’hydroélectricité a représenté, en 2013, 13,8 % de la production et près de 20 % de la puissance installée. »

Partage des capacités nucléaires

« Les investissements à venir dans les centrales existantes pourraient offrir l’opportunité de nouveaux partages des investissements. Cela permettrait de limiter la charge financière pour chacun des acteurs, tout en leur garantissant un accès direct à des volumes de production de base, sans mécanisme régulé de type ARENH. »