Nous publions ci-après une tribune de Julien Mathieu, consultant marketing en « green business », consacrée à la manière dont Paris s’alimente en énergie et sur les questions posées par le Grand Paris.

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« Paris : la ville lumière peut-elle s’éteindre ?

Surnommée la « ville lumière » au XVIIe siècle pour cause d’un éclairage public intensif mis en place afin de dissuader une criminalité bondissante, Paris ne manque pas aujourd’hui d’émerveiller touristes et badauds avec ses ponts éclairés et sa Tour Eiffel scintillante. Si la capitale française trouve un nouveau visage la nuit tombée, on ignore bien souvent la façon dont elle s’alimente en électricité. Alors qu’une pénurie d’électricité risque de toucher la France dès 2015, on peut s’interroger sur la capacité que va avoir la ville pour satisfaire ses futurs besoins en énergie, notamment pour alimenter le projet du Grand Paris.

Des besoins menacés à partir de l’hiver 2015

Le système électrique développé en Île-de-France est bien rodé et a eu l’occasion de se frotter avec succès aux évolutions technologiques et aux besoins de la capitale. Si des coupures sont ponctuellement remarquées, le réseau semble tenir la route. Du moins pour l’instant. RTE a en effet annoncé le mois dernier que la France pourrait être confrontée à une pénurie d’électricité dès l’hiver 2015. Selon la filiale d’EDF, le pays devrait faire face à « une dégradation de la sécurité d’approvisionnement électrique en France durant les hivers allant de 2015 à 2018 ».

Cette pénurie serait le résultat de « l’accélération de la fermeture ou mise sous cocon des moyens de production thermiques (fuel, gaz, charbon) », déclare Dominique Maillard, président du directoire de RTE. Avec des normes environnementales européennes de plus en plus dures, c’est un déficit de production de 2.000 mégawatts qu’il faudrait craindre pour l’hiver 2016-2017, soit deux fois la consommation d’une grande ville comme Marseille.

Cependant, RTE ne se contente pas de jouer les Cassandre, l’entreprise fait également des recommandations supposées nous faire éviter le pire : « mise aux normes de groupes au fioul et le retour en exploitation des cycles combinés gaz » mais aussi l’instauration du « mécanisme de capacité », système qui prévoit de rémunérer les producteurs d’électricité. Suffisantes ? Ces mesures ne sont à ce jour que de simples recommandations. Pour l’heure, Paris doit-elle redouter de se retrouver plongée dans le noir, paralysée comme dans un roman de Barjavel ?

Le Grand Paris épargné… mais jusqu’à quand ?

Les déclarations de RTE sont certes inquiétantes, elles tombent également mal, au moment où la capitale est sur le point de mettre sur pied son Grand Paris et d’opérer ainsi une mutation destinée à la transformer en une véritable « ville monde », capable d’autant d’attractivité qu’une mégalopole comme New-York. Paris ne peut donc se permettre d’être en proie à une pénurie d’électricité, les enjeux sont trop importants. Avec une augmentation électrique 30 % supérieure à celle d’aujourd’hui, le Grand Paris va nécessiter 2.200 MW supplémentaires.

Un accroissement des besoins dû notamment à la création de nouveaux logements, une augmentation de la population d’1,8 million d’habitants mais également à une révolution programmée dans la mobilité. Si de nouvelles lignes de métro sont attendues, la municipalité veut également mettre l’accent sur la voiture électrique mais pas seulement.

La RATP a ainsi annoncé il y a quelques mois qu’elle allait acquérir 600 bus hybrides (moitié diesel-moitié électrique) dès 2016 avec une volonté ferme d’aller à terme vers une flotte complètement électrique. « Je souhaite qu’à l’horizon 2025 l’ensemble du parc de bus soit électrique », annonçait Pierre Mongin, patron de la RATP.

Et pour ceux qui douteraient de la faisabilité d’une telle entreprise, Pierre Mongin se veut rassurant et déclare « ce n’est pas une simple promesse en l’air. Comme l’ont montré les débats de la campagne électorale, renforcée par l’épisode de pollution aux particules fines que nous avons vécu (…), il existe aujourd’hui une forte demande pour une solution de transport neutre en CO2 ». La RATP pourra s’appuyer sur l’expérience de sa filiale RATP Dev, qui a déjà converti les bus londoniens aux technologies hybrides. Une démarche éco-responsable honorable mais qui va demander davantage de puissance électrique à la ville.

Le Grand Paris pourra-t-il alors être à la hauteur de ses ambitions et assumer ses besoins hivernaux alors qu’un manque en électricité se profile? Selon Vincent le Biez, chef du service énergie-climat-véhicules à la DRIEE, on n’aurait aucun souci à se faire et le réseau électrique actuel serait suffisant. « D’ici 2020, il n’y a pas de risque de sous-dimensionnement du réseau. Les besoins du Grand Paris recoupent parfaitement les prévisions effectuées conjointement par RTE et ERDF, même s’il reste certes quelques points à préciser ». Vincent le Biez reste cependant moins optimiste quand il s’agit de se projeter dans un futur plus lointain : « À partir de 2025, l’impact du Grand Paris se fera davantage sentir, car on s’attend à une augmentation de 3 000 mégawatts ».

La solution pour apaiser ces peurs pourrait bien se trouver en bonne place sur la table des négociations du ministère de l’Écologie. 2014 est l’année du vote de la loi sur la transition énergétique. Le projet vise en particulier à réduire la facture énergétique de la France. Pour ce faire, le gouvernement compte abaisser la part du nucléaire dans notre mix énergétique et la faire passer de 75 à 50 %. Afin d’y parvenir, la France souhaite favoriser l’essor des énergies renouvelables. Principalement alimentée en énergie nucléaire, Paris a elle aussi certainement tout à gagner à considérer avec insistance un recours à ces énergies propres pour pallier tout manque potentiel en électricité. »